Histoire de l’Église de Corée Charles Dallet LIVRE III
Depuis le martyre du P. Jacques
Tsiou, jusqu’à la fin de la persécution. 1801-1802.
[149] CHAPITRE I.
Martyre de Josaphat Kim. — Mariyre de
Colombe Kang et de ses compagnes.
La mort
du P. Tsiou était une grande calamité pour l’Église de
Corée. Elle perdait en lui son unique pasteur, et il
semblait humainement impossible qu’il pût être
remplacé avant de longues années. Sans doute les
circonstances n’avaient pas permis à tous les
néophytes de voir le prêtre, d’entendre ses
instructions, et de recevoir de sa main les
sacrements. Un petit nombre d’entre eux seulement
avaient eu ce bonheur. Mais au moins, lui présent, il
y avait un centre commun, un point de réunion pour les
diverses chrétientés; il y avait une direction unique
dans les affaires importantes; et surtout il y avait
la célébration fréquente du saint sacrifice, et le
sang de Jésus-Christ, source de toute grâce, coulait
souvent sur cette terre infidèle. En se
livrant, le P. Tsiou avait espéré user sur lui-même la
rage des persécuteurs, et empêcher ainsi le malheur de
son troupeau. Les ennemis de la religion, de leur
côté, s’imaginaient qu’après la mort du prêtre, les
chrétiens démoralisés comme une armée sans chef,
seraient facilement amenés à l’apostasie, et leur
culte anéanti. Il n’en fut rien. Dieu permit que les
espérances du prêtre fussent déçues, et que la
persécution augmentât de violence; mais en même temps
il déjoua tous les calculs des impies, en inspirant à
ses fidèles un courage plus ferme, une patience plus
indomptable, et en multipliant ses martyrs. Nous
allons donner quelques détails sur les principaux
d’entre eux. L’histoire de l’Eglise offre peu de pages
aussi glorieuses. Le P.
Tsiou avait été décapité le 31 mai 1801. Le lendemain,
— 150 — ler
juin, Josaphat Kim, d’une des plus illustres familles
du parti No-ron, et plusieurs de ses parents,
obtinrent par le même supplice le même triomphe. Ici
vient naturellement se placer une remarque importante.
Bien que les rancunes de parti fussent pour beaucoup,
comme nous l’avons expliqué, dans la publication de
l’édit qui proscrivait la religion chrétienne, la
première et principale cause néanmoins était, en
Corée, comme partout et toujours, la haine
éternellement active de l’enfer contre l’Eglise. Or,
il y avait des chrétiens dans les autres partis aussi
bien que dans le parti des Nam-in, car la religion ne
s’inféode jamais à aucune caste, ni à aucune faction.
De fait cependant, les grands personnages condamnés à
mort depuis l’avènement de la régente, appartenaient
presque tous aux Nam-in, ce qui donnait à la
persécution un caractère de vengeance politique, et
pouvait, aux yeux des païens, altérer et diminuer la
gloire des martyrs. Afin donc de montrer clairement à
tous que, pour le plus grand nombre des victimes, la
profession du christianisme était l’unique cause de
condamnation; afin de restituer à la mort des
confesseurs son véritable caractère. Dieu permit que
les persécuteurs fussent forcés par les circonstances
d’immoler plusieurs membres éminents de leur propre
parti. Josaphat
Kim Ken-sioun-i descendait d’une branche cadette de la
famille Kim de An-tong, qui était alors une des
principales du parti No-ron, et se trouve aujourd’hui
la première famille de la Corée. Il fut adopté dès
l’enfance par le principal descendant de la branche
aînée, et se trouva ainsi placé à la source des
dignités et des honneurs; son père adoptif habitait la
ville de Nietsiou. Josaphat se fit remarquer par une
intelligence extraordinairement précoce. Dès l’âge de
neuf ans, disent les relations coréennes, il voulut
s’appliquer à la doctrine de Lao-tse, qui passe pour
ouvrir le chemin de l’immorlalité à ses sectateurs.
Dans sa maison, il y avait un livre, espèce
d’introduction à l’étude de la vraie religion, composé
en chinois, sous une forme attrayante et populaire,
par les anciens missionnaires de Péking. Josaphat le
lut avec grand plaisir, à l’âge de dix ou douze ans,
et bientôt se mit à discuter sur le ciel et l’enfer,
sur la nécessité de leur existence, et autres matières
traitées dans ce livre. On disait de lui, dès lors,
qu’il parviendrait au grade de ministre. En
grandissant, il se livra à de vastes études; les
livres sacrés, l’histoire, les doctrines de Fo et de
Lao-tse, la médecine, la géoscopie, l’art militaire
même, rien ne lui resta étranger. Il eut
bientôt occasion de montrer ses talents. En effet, il
n’était — 151 — âgé
que de dix-huit ans, lorsque son père adoptif vint à
mourir. Or, le deuil légal, en Corée, se faisait alors
avec les cérémonies du temps de la dynastie Song (1),
en négligeant les rites plus anciens. Josaphat, qui
avait des doutes à ce sujet, consulta le fameux
docteur Ambroise Kouen T’siel-sin-i, qui alors n’était
pas encore chrétien, et ayant, par son moyen, reconnu
que certaines pratiques n’étaient pas fondées sur les
livres sacrés, il les rejeta comme erronées et s’en
abstint à la mort de son père. Les lettrés, effrayés
de cette infraction aux usages, se recrièrent
vivement. Aussitôt Josaphat, pour justifier sa
conduite, écrivit une longue apologie, dans laquelle
les citations et les preuves affluaient d’une manière
si savante et si heureuse que Ni Ka-hoan-i, qui
passait alors pour le premier lettré du pays, avoua
qu’il ne pourrait rien faire de semblable. A la
maison, Josaphat se faisait remarquer par la gravité
de son caractère, sa piété filiale, sa fidélité et sa
générosité. Sa famille étant riche, il prenait un vrai
plaisir à dépenser en aumônes tout ce qu’il possédait,
tandis que pour ses propres habits et pour sa
nourriture, il se limitait au plus strict nécessire,
et se traitait comme un pauvre. S’il allait à la
capitale, les chaises et les chevaux affluaient à la
porte de la maison où il descendait, car chacun
voulait avoir la satisfaction de le voir et de
l’entretenir, au moins une fois. On raconte qu’avec
Martin Ni et quelques autres amis, il avait conçu le
projet de traverser la mer, pour aller à Péking
consulter les savants européens, acquérir auprès d’eux
beaucoup de connaissances utiles, et revenir les
répandre dans son pays. Jusqu’alors
Josaphat n’avait ouï parler de la religion que
très-indirectement, et n’en avait pas une idée exacte.
De concert avec quelques amis, au nombre desquels se
trouvait Kang I-tien-i, il s’était mis à l’étudier,
pensant y trouver des secrets magiques et des procédés
extraordinaires. Ce Kang I-tien-i était un lettré
renommé du parti Sio-pouk, d’un esprit méchant et
rusé. S’imaginant qu’il y aurait bientôt un changement
de dynastie, il cherchait des recettes merveilleuses,
et étudiait les arts magiques, pour être prêt à
l’époque voulue et faire son chemin. Josaphat,
en se liant avec cet homme, était loin de connaître le
fond de ses idées, car pour lui-même, outre la
curiosité naturelle (1) La
dynastie Song est la dix-neuvième dynastie chinoise.
Elle compta dix-huit empereurs, dans l’espace de 319
ans, de l’an de J.-C. 964 à l’an 1283. Ce fut la
dernière dynastie nationale, à laquelle succédèrent
les diverses dvnasties tartares. — 152 — d’apprendre
quelque chose d’inconnu, il avait réellement le désir
sincère d’approfondir la doctrine de l’Évangile.
Aussi, ne trouvant pas de chrétiens éminents dans le
parti No-ron, auquel sa famille appartenait, il
résolut de recourir à des membres du parti Nam-in, et
fit demander à Ambroise Kouen d’avoir quelques
conférences avec lui sur des matières religieuses. Le
noble chrétien y consentit avec joie, mais comme les
inimitiés héréditaires des deux familles ne
permettaient pas qu’on se vît publiquement, Josaphat
se rendait de nuit à la maison d’Ambroise. Dès les
premiers entretiens, il n’eut pas de peine à croire
l’existence de Dieu et le mystère de la sainte
Trinité; mais le simple énoncé du mystère de
l’Incarnation renversa tontes ses idées, et il demeura
triste et abattu. Plusieurs jours il s’abstint de
revenir, croyant que celui qui avait prononcé une
telle parole ne pouvait manquer d’être foudroyé, ou
frappé de quelqu’autre punition céleste. Puis, voyant
que Dieu ne l’avait pas anéanti, il examina de
nouveau, et la grâce du Saint-Esprit agissant sur son
cœur, il s’avoua vaincu, soumit sa raison à la foi, et
embrassa fermement la religion. Le P. Tsiou entendit
parler de la droiture d’âme de Josaphat, et lui
écrivit pour lui faire connaître le véritable esprit
de l’Evangile, et lui faire déposer toute idée de
choses merveilleuses et de puissances magiques.
Josaphat, ému, se rendit avec joie, rompit
définitivement avec les études auxquelles il s’était
livré, et se mit à marcher tout droit dans la voie du
salut. Il avait alors vingt-deux ans. Presque
tous ses amis suivirent son exemple. De ce nombre
étaient les glorieux martyrs, que nous avons vu
décapiter à la ville de Nie-tsiou, Martin Ni et Jean
Ouen. Kang I-tien-i seul ne crut pas, et demeura plus
enfoncé que jamais dans ses rêveries ambitieuses et
dans ses chimériques recherches. Deux mois s’étaient à
peine écoulés, que les projets de ce dernier et des
siens se dévoilèrent, et le gouvernement, croyant voir
dans leur conduite une tendance à la révolte, et le
danger d’exciter des troubles parmi le peuple, les fit
saisir et citer en justice. C’était en 1707. Josaphat
se trouva naturellement compromis, à cause de ses
rapports antérieurs avec Kang l-tien-i. Heureusement
ses belles qualités et sa droiture étaient déjà
connues du roi, qui lui ayant donné toute son estime,
sut le protéger et le mettre à l’abri des mauvaises
suites de cette affaire. Bientôt après, Josaphat fut
baptisé par le prêtre, et sa ferveur en reçut une
grande augmentation. Il ne craignait pas de se montrer
publiquement comme chrétien, instruisait ses parents
et amis, les exhortait au bien, et — 153 — ne
ccssaii de prêcher l’Evangile en toute occasion. Grand
nombre de païens, dans le district de Nie-tsiou et les
environs, lui durent, après Dieu, le bienfait de la
foi. Son père,
cependant, le voyait avec peine pratiquer le
christianisme, et faisait tous ses efforts pour l’en
éloigner. Pendant plusieurs années, Josaphat eut à
supporter continuellement des persécutions domestiques
bien pénibles, mais il triompha de toutes les
difficultés, et continua la pratique fidèle de ses
devoirs. Quand il apprit la défection de Jean Tieng
qui, pour éviter la mort, avait signé une formule
d’apostasie, il en fut profondément ému, et témoigna
toute la douleur qu’il en ressentait, mais n’en fut
pas ébranlé. Quoique impliqué, par sa naissance et sa
position sociale, dans beaucoup d’affaires du monde et
de la cour, il ne paraît pas que Josaphat ait jamais
pris une grande part à la direction des affaires de la
chrétienté. On voit même qu’il se tint un peu à
l’écart, quand les clameurs des nobles de son parti,
arrivés subitement au pouvoir, préparaient et
annonçaient la persécution. C’est alors probablement
que, de concert avec Augustin Tieng, il travailla à
rédiger un ouvrage complet et méthodique sur la
religion. Nous avons dit plus haut qu’ils ne purent le
terminer, et que les chrétiens ne réussirent à en
sauver aucun fragment. La
conduite de Josaphat avait toujours été, depuis son
baptême, ferme, grave et irréprochable. Son humilité
égalait son mérite; aussi était-il aimé et respecté de
tous les chrétiens, et l’éclat de ses vertus le
désignait-il d’avance pour victime de la persécution.
On se fera difficilement une idée de tous les efforts
que tentèrent, dans ces circonstances, ses parents et
amis pour obtenir de lui une parole de faiblesse, qui
le mît h l’abri des poursuites. Il ne paraît pas
néanmoins que le noble athlète de Jésus Christ ail
failli à son devoir, et, en effet, le mandat d’arrêt
fut lancé contre lui, probablement dans le courant de
la troisième lune. On alla le chercher dans la maison
de son propre père, à la capitale; celui-ci prenait
alors son repas, et sans discontinuer, il dit aux
agents du Keum-pou : « Mon fils est allé aujourd’hui
aux examens; il doit être assis sous tel arbre, vous
le reconnaîtrez à tel et tel signe. Remplissez votre
devoir, sans donner l’éveil à qui que ce soit. » En
disant ces mots, il ne changea ni de ton ni de
couleur. Josaphat fut donc arrêté et déposé à la
prison. Nous
savons que tout fut mis en œuvre pour empêcher sa
condamnation. Sa famille si puissante, dont l’honneur
allait être compromis par le procès criminel d’un de
ses membres, avait — 154 — tout
arrangé pour que, sans apostasie formelle, le noble
prisonnier fût relâché sur quelque petit signe,
indifférent par lui-même. Comme on devait
nécessairement le confronter avec le P. Tsiou, il
avait été convenu avec les juges que, s’il voulait
prétendre ne pas connaître le prêtre, il serait
immédiatement mis en liberté. Quels combats ne durent
pas se livrer dans le cœur de Josaphat à la vue de
tous ses parents et des grands du royaume, qu’on
laissait à dessein circuler dans la prison pour
ébranler sa constance, et qui se jetaient en pleurs à
ses pieds, le conjurant d’avoir au moins pitié des
siens et d’éviter la ruine totale de sa famille! Il en
fut sans doute un peu affecté, car quand on l’amena
devant le prêtre et qu’on lui demanda s’il connaissait
cet homme, il hésita un instant à répondre. Le P.
Tsiou, comprenant sa tentation, essaya de le stimuler
en disant : « Ah ! toi aussi tu vas te montrer un
petit homme d’un petit royaume. » La fierté du noble
coréen fut piquée de ce reproche, et, la grâce
accompagnant cette parole sortie de la bouche d’un
apôtre, chargé de fers pour Jésus Christ, le
confesseur reprit courage et confessa hardiment sa
foi. Dans les
interrogatoires, Josaphat fit plusieurs fois
éloquemment l’apologie de la religion, et apporta,
pour la confirmer, une multitude de textes tirés des
livres sacrés du pays. Les juges lui dirent : «
Comment un homme d’une aussi noble maison peut-il
parler et agir ainsi ? Tu veux user de nos livres
sacrés pour confirmer une doctrine perverse, tu es
digne de mort. » Josaphat répondit : « Je désire que
toute la cour et les grands du royaume pratiquent
cette religion, pour faire le bonheur du peuple, et
assurer de longues années au roi. » Tous les
expédients étant épuisés, et la constance du
confesseur ne laissant plus aucun espoir, il fut
condamné à mort. Le 20 de
la quatrième lune (l"" juin), il fut conduit au lieu
du supplice, en dehors de la petite porte de l’Ouest.
Sa noblesse, sa vertu, sa réputation, y avaient
rassemblé un concours immense de toutes classes et de
toutes conditions. Durant le trajet, Josaphat conserva
son calme et sa dignité, et arrivé au lieu du
supplice, il dit à la foule réunie: « Les honneurs et
la gloire de ce monde sont illusoires et mensongers.
Moi aussi j’ai quelque réputation, et je pouvais
obtenir de grandes dignités, mais les sachant vaines
et fausses, je n’en ai pas voulu. Il n’y a que la
religion chrétienne qui soit vraie, et voilà pourquoi
je ne crains pas de mourir pour elle. Vous tous,
pensez-y bien et suivez mon exemple. » Puis il inclina
la tête et reçut le coup qui lui assurait
l’immortalité bienheureuse. Il n’était âgé que de
vingt-six ans. — 155 — A la
capitale, il n’était personne qui ne déplorât et ne
regrettât sa mort. D’après la loi et les coutumes, ses
proches parents auraient dû perdre leurs places, et le
nombre de ceux qui se trouvaient ainsi compromis était
très-considérable, même parmi les plus hauts
dignitaires du royaume. Mais la famille du défunt, à
peu près toute-puissante, parvint à faire admettre
pour cette fois ce principe, que les actes étant
personnels, les parents n’ont pas à en répondre, et,
par là, tous les parents de Josapliat purent conserver
leurs dignités. Afin de faire disparaître, autant que
possible, la tache d’infamie dont cette mort souillait
la branche principale de la famille des Kim, on
adressa une pétition au gouvernement, pour faire
casser l’adoption de Josaphat. La régente y consentit,
et un autre fut substitué officiellement au martyr,
comme descendant de la branche aînée. Le même
jour, et au même lieu, plusieurs parents de Josaphat
Kim partagèrent son triomphe. Le plus connu d’entre
eux est Kim Paik-sioun-i qui, n’étant encore que
catéchumène, n’a pas, dans les actes, de nom de
baptême. Cousin de Josaphat, nous ne savons à quel
degré, il vivait à la capitale, dans une grande
pauvreté, et ne songeait qu’à en sortir, et à se
frayer une voie aux honneurs et fonctions publiques.
Un de ses ancêtres, qui était ministre en 1636, quand
les Mandchoux arrivèrent près du fleuve qui sépare la
Corée de la Chine, avait refusé de se soumettre aux
Barbares, et s’était brûlé lui-même. Cet acte de
dévouement à son pays et à son roi fit qu’on lui
érigea, et qu’on permit aussi à ses descendants de lui
ériger une porte monumentale, deux honneurs qui
deviennent pour la postérité de celui à qui on les
accorde, des titres à un avancement rapide. Paik-sioun-i
donc, uniquement dans des vues d’ambition, s’appliqua
aux études ordinaires des lettrés. Mais Dieu, qui
avait sur lui des desseins de miséricorde, lui inspira
peu à peu le désir de la véritable gloire et du
véritable bonheur. Pour y parvenir, il se mit à lire
les écrits philosophiques des grands hommes, mais
leurs obscurités, leurs contradictions firent naître
des doutes dans son esprit, et il ne les considéra
plus comme entièrement dignes de foi. Ayant vu dans
les écrits de Lao-tse et autres, que l’homme en
mourant n’est pas anéanti, il se créa de nouvelles
doctrines et un nouveau système, qu’il ne tarda pas à
expliquer à quelques amis. « Tes paroles sont bien
étonnantes, lui répondirent-ils, sans doute tu as tiré
tout cela de la religion européenne.» Cette
observation frappa beaucoup Paik-sioun-i, et il se dit
en lui-même: « En voyant des choses qui surpassent
notre — l56 — intelligence,
tout le monde dit que cela vient des doctrines
européennes, il doit y avoir quelque chose de bien
grand, de bien extraordinaire dans cette religion. »
En conséquence, il se mit à fréquenter des chrétiens,
et après avoir examiné, discuté et approfondi leur
doctrine pendant deux ans, il se sentit convaincu,
crut fermement, et se donna de tout cœur à la pratique
fidèle de tous les devoirs que la religion impose. Sa mère,
instruite et exhortée par lui, embrassa aussi le
christianisme, mais sa femme, d’un caractère étroit,
raide et ambitieux, qui avait toujours convoité les
honneurs pour son mari, voyant tout à coup ses
espérances déçues, se laissa emporter à la colère et
ne lui épargna ni les reproches, ni les injures.
Paik-sioun-i ne faisait point mystère de sa
conversion. Un de ses parents l’interrogeant un jour
sur la religion, il répondit à haute voix : « C’est la
vraie doctrine; c’est une grande doctrine; tout homme
est tenu de la suivre; faites comme moi. » Un autre
jour, son oncle maternel venant le trouver, chercha à
le séduire par toutes sortes de moyens, et ne pouvant
parvenir à s’en faire écouter, finit par lui dire : «
Si tu ne te rends pas à mes paroles, je romprai avec
toi. » Paik-sioun-i répondit avec calme : « Dussé-je
rompre avec mon oncle, je ne puis rompre avec mon
Dieu. » Dès lors, ses amis se concertèrent pour ne
plus avoir de rapports avec lui, et ses parents
prirent la résolution de le chasser de la famille.
Notre courageux néophyte vit tout cela d’un œil
indifférent, et se contenta de dire: « Depuis que j’ai
connu Dieu, mon cœur ne s’émeut de rien; il est comme
une montagne. » Au
printemps de 1801, dénoncé par un apostat, il fut jeté
en prison. Les détails de ses interrogatoires ne nous
sont pas parvenus. S’il faut en croire sa sentence,
les supplices lui auraient arraché, un instant,
quelques paroles de faiblesse. Mais bientôt il les
rétracta hautement, et jusqu’à la fin montra un
courage et une fermeté rares. Il fut condamné à mort
et exécuté en même temps que son cousin Josaphat, à
l’âge de trente-deux ans. On ne voit pas qu’il ait été
baptisé en prison; c’est donc le baptême de sang qui
le fit chrétien et lui donna entrée dans l’Eglise
triomphante. Nous
devons mentionner encore Kim Ni-paik-i, parent lui
aussi de Josaphat, mais d’une branche bâtarde. Sa
sentence se trouve jointe à celle de ce dernier, et il
dut mourir avec lui. Cependant, comme il n’est pas
parlé de religion dans cet acte, et que d’ailleurs
aucun autre document ne le signale comme chrétien,
nous n’osons, malgré toutes les probabilités, lui
donner le titre de martyr. — 157
— Luc Ni
Hei-icng-i, ami intime de Josaphat Kim, se trouva
aussi réuni avec lui dans la même confession de foi,
et partagea son martyre. Il habitait d’abord la ville
de Nie-tsiou. C’est là qu’il fut instruit de la
religion, et commença à la pratiquer. Plus tard, il
émigra à la capitale, où sa foi et sa ferveur ne
firent qu’augmenter. S’étant exercé dans sa jeunesse,
à l’art de la peinture, il peignit nombre de sujets
religieux, ce qui fut l’un des prétextes de sa
condamnation. Elle est jointe à celle de Kim
Paik-sioun-i, et datée du 29 de la troisième lune. Il
paraît toutefois que son exécution fut remise au ler
juin, et qu’il fut décapité avec les autres
confesseurs dont nous venons de parler. Il y eut
peut-être encore d’autres victimes ce jour-là; car un
mémoire contemporain nous dit que, parmi les parents,
alliés et amis de Josaphat, une vingtaine furent pris,
parmi lesquels il n’a pu savoir au juste ceux qui se
montrèrent fidèles, ou eurent le malheur de faiblir.
Il nous a été impossible de trouver des renseignements
plus détaillés. Mais quel que fût alors le nombre des
chrétiens dans cette famille, il n’y en a plus
aujourd’hui un seul. Toutefois, l’esprit général de
ses membres n’est pas hostile à la religion. C’est de
cette famille qu’était la reine épouse du roi
Sioun-tsong, décédée en 1857, et qui fut toujours
favorable aux chrétiens, sans oser toutefois prendre
leur défense ouvertement. La reine actuelle a la même
origine, et les principaux gouverneurs qui, de nos
jours encore, ont fait éviter bien des vexations aux
chrétiens, sont la plupart des parents de Josaphat. Un mois
après, le 23eme jour de la cinquième lune (3 juillet),
neuf nouveaux martyrs furent conduits en dehors de la
porte de l’Ouest, et décapités. Cinq de ces martyrs,
par une violation de la loi coréenne, que la fureur
des ennemis de la religion peut seule expliquer,
étaient des femmes de condition noble. A la tête de
cette glorieuse troupe, nous rencontrons l’auxiliaire
dévouée du prêtre, Colombe Kang, dont nous avons parlé
plus haut. Aussitôt après son arrestation, les juges,
voulant lui arracher le secret de la retraite du
prêtre, lui avaient fait subir jusqu’à six fois
l’affreux supplice de l’écartement des os; mais au
milieu de ces tourments, elle resta muette et comme
insensible, au point que les valets qui la voyaient se
disaient entre eux : « C’est un génie, et non pas une
femme. » Loin de donner le moindre signe de faiblesse,
elle continua son apostolat dans la prison, et jusque
devant les juges, proclamant sans cesse la divinité de
la religion chrétienne, et apportant à l’appui de sa
parole des preuves tirées — 158
— de
Confucius et des autres philosophes les plus célèbres.
Dans leur admiration, les mandarins ne l’appelaient
que la femme savante, la femme sans pareille, et
disaient qu’elle leur coupait la respiration,
expression coréenne qui marque cette espèce de stupeur
produite par un étonnement extraordinaire. Ils n’en
devinrent que plus acharnés à obtenir son apostasie et
employèrent contre elle tous les supplices que peut
inventer la cruauté la plus raffinée; mais toujours
ils furent vaincus par la patience surnaturelle de
leur victime. La foi de
Colombe triompha non moins glorieusement de sou amour
maternel. Son beau-fils Philippe, arrêté avec elle,
mais incarcéré dans une autre prison, avait paru
faiblir dans les tourments. Elle l’apprit, et l’ayant
aperçu de loin un jour qu’elle se rendait de la prison
au tribunal, elle lui cria d’une voix forte; « Jésus
est au-dessus de ta tête, et te voit; peux-tu
t’aveugler et te perdre ainsi? Prends courage, mon
enfant, songe au bonheur du ciel. » Cette généreuse
exhortation sauva l’àme du jeune homme qui, fortifié
par ces paroles, reçut, quelques mois plus tard, la
couronne du martyre. Dans sa
prison. Colombe apprit la mort du P. Tsiou. Déchirant
alors un pan de sa robe, elle y écrivit l’histoire des
travaux apostoliques du missionnaire. Cette vie d’un
saint, écrite dans les fers par une sainte qui le
connaissait si bien, a été malheureusement perdue par
la négligence de la femme chrétienne à qui le rouleau
de soie avait été confié. La
ferveur de Colombe et de ses compagnes de captivité
avait changé leur prison infecte en un lieu de
prières. Fidèles à leurs exercices de piété, elles se
soutenaient et s’encourageaient mutuellement, et ne
cherchaient qu’à se rendre dignes de leur céleste
époux qui, en retour, les couvrait d’une protection
manifeste. Plus le moment du sacrifice approchait, et
plus elles étaient heureuses; la veille de leur mort
surtout, elles paraissaient ivres de joie. Enfin se
leva le jour si longtemps attendu, si ardemment
désiré, le jour du triomphe et de la récompense. Le 23
de la cinquième lune (3 juillet), Colombe et quatre de
ses compagnes montèrent sur le chariot, et furent
conduites au lieu du supplice. Durant le trajet, elles
ne cessaient de prier, de s’exhorter réciproquement,
et de chanter les louanges de Dieu. La foule voyait
avec étonnement une sainte joie briller sur leurs
visages. Arrivée au lieu de l’exécution, Colombe se
tourna vers le mandarin, qui présidait, et lui dit : «
Les lois prescrivent de dépouiller de leurs vêtements
ceux qui doivent être suppliciés, mais il serait — 159 — inconvenant
de traiter ainsi des femmes; avertissez le mandarin
supérieur que nous demandons à mourir habillées. » La
permission fut accordée, à la grande satisfaction de
ces saintes épouses de Jésus-Christ. Colombe alors fit
le signe de la croix, et la première, présenta sa tête
au bourreau. Elle était âgée de quarante-un ans. Mentionnons
ici, en anticipant un peu sur les événements, le
martyre de Philiphe Hong Pil-tsiou. il était, comme
nous l’avons dit, fils du mari de Colombe, par une
première femme; mais, selon l’usage du pays, il fut
toujours appelé le fils de Colombe. Il demeura
constamment avec elle, la suivit à la capitale, et la
traita toujours comme sa mère. Quand ils eurent
recueilli le prêtre chez eux, Philippe profita de sa
présence pour devenir un excellent chrétien. Chaque
jour il lui répondait la messe, et lui rendait avec
assiduité tous les services que réclamait sa position
difficile. Pris en même temps que Colombe, il fut
séparé d’elle dans sa prison, et soumis à de violentes
tortures, qu’il supporta d’abord avec un grand
courage, sans laisser échapper aucune parole
compromettante. Il semblait cependant faiblir, quand
son héroïque mère ranima par quelques mots sa foi et
sa confiance en Dieu. Depuis ce jour, il ne se
démentit plus, et plus fort que les supplices, donna
sa tête pour Jésus-Christ, le 27 de la huitième lune,
(4 octobre). Il n’avait alors que vingt-huit ans. Les
quatre femmes décapitées avec Colombe, étaient; Rieng
Pok-i, Ieng In-i, Nien-i et Sin-ai. Nous ignorons
quelles sont ces bienheureuses martyres, car les
femmes, en Corée, n’ont pas de nom personnel, et les
actes du gouvernement ne les ont pas désignées par
leurs noms de famille, mais bien par des noms de
hasard, imposés uniquement pour le procès, comme cela
se fait souvent dans le cas des personnes condamnées à
mort ou à des peines infamantes. Elles étaient filles
du palais, c’est-à-dire attachées au service personnel
des reines et princesses. Leurs sentences, presque
semblables, portent qu’elles furent instruites et
baptisées par le P. Tsiou, qu’elles servirent
d’entremetteuses pour les affaires de la religion,
qu’elles firent évader plusieurs fois des chrétiens
poursuivis par la justice, et qu’elles tenaient cachés
chez elles divers objets de religion, images, livres,
etc. Des
recherches nombreuses nous ayant amenés à penser que
l’une d’entre elles est très-probablement Bibiane
Moun, nous donnons ici les détails que la tradition
nous a conservés sur cette sainte martyre. Bibiane
descendait d’une famille honorable de la classe — 160 — moyenne;
son père et son oncle avaient de petits emplois. La
troisième de cinq sœurs, elle n’était âgée que de sept
ans, quand on vint faire choix de filles pour le
palais du roi. Son père tenait cachées les deux
aînées, et ne s’inquiétait pas de Biljiane, que son
jeune âge semblait devoir mettre à l’abri des
perquisitions. Mais les émissaires du palais l’ayant
aperçue, furent frappés de son intelligence précoce,
et de sa beauté peu commune, et l’emmenèrent avec eux.
Elle fut donc élevée dans le palais. A l’âge de quinze
ans, on lui releva les cheveux (1), et comme elle
écrivait admirablement bien, on lui confia la charge
des écritures. Son père était païen, mais sa mère,
chrétienne fervente, se désolait de voir sa fille au
palais, presque dans l’impossibilité de faire son
salut. Quand Bibiane venait, de temps en temps, à la
maison paternelle, sa mère et ses sœurs aînées
l’exhortaient vivement à pratiquer la religion. Elle
répondait : « Pratiquez-la bien, vous qui le pouvez.
Pour moi, qui suis captive au palais et impliquée dans
mille superstitions, cela m’est trop difficile à
présent. Je la pratiquerai quand je serai vieille, et
qu’il y aura moyen de sortir de là. » L’usage
des filles du palais est de se réunir le soir, pour
passer le temps à rire, causer, fumer et prendre des
rafraîchissements. Un soir, au moment de se retirer,
Bibiane, frappée tout à coup comme d’un coup de bâton
à la tète, se sent le cerveau bouleversé, perd
connaissance et tombe brusquement. Aussitôt on la
relève et on lui prodigue tous les soins possibles,
mais le mal s’aggravant, on dut la renvoyer dans sa
famille. Sa mère, voyant sa position dangereuse,
l’exhorta plus fortement que jamais à se convertir, et
comme déjà Bibiane en avait le désir, et que sa
position seule l’avait retenue jusque-là, elle y
consentit facilement et fut ondoyée. Dès le lendemain,
elle se trouva complètement guérie, et se mit aussitôt
à apprendre assidûment les prières et la doctrine
chrétienne. Cette
guérison subite était déjà une grâce bien
extraordinaire; elle devint bientôt un miracle
manifeste. Tous les jours ou tous les deux jours, on
lui envoyait du palais médecins et médecines, et
souvent même plusieurs filles restaient pour la
soigner. Or, depuis son baptême, quoiqu’elle fût
entièrement débarrassée de (1) Les
jeunes gens des deux sexes laissent pendre leurs
cheveux, et on ne les relève qu’à l’époque du mariage.
Quoique les filles du palais soient légalement
condamnées à un célibat perpétuel, on leur fait la
même cérémonie, pour signifier qu’elles sortent de
l’enfance et doivent désormais s’occuper de choses
sérieuses. — 161 — sa
maladie à tout autre moment, dès que quelque personne
du palais venait à entrer dans la maison, Bibiane
voyait un de ses bras et une de ses jambes se raidir
et devenir comme morts. Elle dut, en conséquence,
subir cent fois l’acupuncture, et avaler un grand
nombre de médecines. Elle se soumettait aux opérations
et prenait les drogues avec tranquillité; et à peine
les gens du palais étaient-ils sortis, qu’elle se
relevait sans aucune douleur, remerciait Dieu, et
riait aux éclats en disant : « Que de remèdes perdus!
que d’acupunctures prodiguées inutilement à un corps
en pleine santé ! » Uniquement
occupée à lire et à prier, elle fuyait avec le plus
grand soin jusqu’à l’ombre du péché, et la réputation
de sa ferveur se répandit rapidement parmi les
chrétiens. Elle s’efforçait d’imiter les saints dont
elle lisait la vie, parlait souvent de leur générosité
envers les bourreaux, et témoignait le désir de les
suivre au martyre. Pendant trois ans consécutifs, tous
les soins de l’art lui furent prodigués par les
médecins officiels qui, à la fin, ne voyant plus aucun
moyen de guérir cette étrange maladie, la firent rayer
de la liste des filles du palais. On cessa, dès lors,
de lui faire toucher ses appointements mensuels.
Bibiane, entièrement rassurée, rendit à Dieu de vives
actions de grâces, pour sa protection si éclatante, et
ne songea plus qu’à s’appliquer à la pratique de ses
devoirs, et à l’exercice de toutes les vertus
chrétiennes. Trois ans
plus tard, elle entra au service du P. Tsiou, avec
Suzanne Kim Siem-a, mère du catéchiste Kim
Sieng-tsiong-i, et pendant plusieurs années, elle
s’acquitta de ses fonctions avec un dévouement et une
piété exemplaires. Quand la persécution fut sur le
point d’éclater, le prêtre s’étant retiré ailleurs,
Bibiane revint près de sa mère, attendant le moment du
martyre, et comme on semblait ne pas penser à elle,
elle se désolait en répétant : « Est-ce que Dieu ne
veut point de moi ? » Suzanne
Kim étant venue la voir un jour, oublia sous la natte
de la chambre, où elle l’avait déposé en entrant, un
papier sur lequel étaient écrites diverses prières.
Les satellites s’étant présentés, quelque temps après,
à la maison de Bibiane, avaient fouillé partout sans
trouver aucun objet suspect, quand, à la fin,
soulevant la natte, ils saisirent ce papier, et dirent
à Bibiane: « Est-ce que vous aussi êtes chrétienne? —
Certainement, je le suis, » répondit-elle sans
hésiter. Aussitôt ils la déclarèrent de bonne prise,
et la pressèrent de partir; mais la vierge chrétienne,
se rappelant les exemples des saints, voulut d’abord
exercer sa — 162 — générosité
à leur égard, et leur fit prendre des
rafraîchissements, ce dont ils furent tous satisfaits.
Puis, faisant ses adieux à sa mère, et la consolant de
son mieux, elle partit et fut conduite au mandarin.
Elle avait alors vingt-six ans. Le
mandarin, voyant sa jeunesse, lui dit: « Comment une
jeune personne comme toi, si bien élevée au palais,
peut-elle suivre une mauvaise religion, prohibée par
le roi? Veux-tu donc mourir dans les supplices? — Je
désire de tout mon cœur, répondit avec empressement
Bibiane, donner ma vie pour le Dieu que je sers. »
Après avoir vainement essayé tous les moyens de
séduction qu’il put imaginer, le mandarin, furieux de
rencontrer chez une faible femme une résistance aussi
opiniâtre, la fit mettre à la torture. On la frappa
violemment sur les jambes; le sang en jaillit, et,
s’il faut en croire une tradition respectable, se
convertit aussitôt en fleurs, qui s’élevaient dans les
airs. A la vue de ce prodige, le mandarin fut frappé
de stupeur, et il défendit, sous les peines les plus
sévères, à tous ceux qui étaient présents, de jamais
ouvrir la bouche sur ce qu’ils venaient de voir. Bibiane
eut à supporter beaucoup d’autres supplices, mais rien
ne put ébranler sa constance, et elle entendit enfin
prononcer la sentence de mort, qu’elle avait si
longtemps désirée. En se rendant au lieu du supplice,
elle dit aux soldats qui repoussaient les curieux : «
Laissez-les regarder tout a leur aise, on va bien voir
tuer les animaux; pourquoi ne regarderai l-on pas tuer
les hommes? » Une chrétienne, dont le père avait été
témoin oculaire de l’exécution de Bibiane, a souvent
répété que lorsqu’on lui trancha la tête, il coula de
sa blessure du sang blanc comme du lait, que les
bourreaux regardèrent avec admiration. Dieu daignait
ainsi renouveler pour la vierge et martyre coréenne,
le prodige qu’il fit autrefois à Rome, pour sainte
Martine, vierge et martyre. Quatre
confesseurs de la foi accompagnèrent à la mort les
cinq héroïnes dont nous venons de parler. C’étaient:
T’soi In-t’siel-i, frère de Mathias T’soi In-kir-i,
martyrisé en 1793, pour avoir reçu chez lui le prêtre,
à son arrivée en Corée; Ni Hien-i, neveu de Ni
Hei-ieng-i, l’un des compagnons de prison et de
martyre de Josaphat Kim; Hong Tsieng-ho, proche parent
de Philippe Hong, beau-fils de Colombe Kang; et enfin
Mathieu Kim Hien-ou, le septième frère de Thomas Kim
Pem-ou, qui, le premier, eut l’honneur de confesser la
foi, en 1785. On
raconte que. Mathieu Kim, au moment de son
arrestation, vit apparaître une grande croix
lumineuse, qui marchait devant lui et lui indiquait la
route delà prison. Notons, en passant, que — 163 — dans
cette famille Kim, se trouvaient huit frères, dont
trois seulement étaient chrétiens. Tous les trois
obtinrent la grâce dn martyre, car Barnabe Kim Li-ou,
troisième frère de Thomas, traduit comme chrétien
devant le tribunal des voleurs, y mourut sous les
coups, pendant cette même persécution, on ne sait pas
exactement à quelle date. Nous
n’avons aucun détail sur le procès et les souffrances
de ces quatre confesseurs. Le texte de leur sentence
rempli des mêmes banalités ineptes, qui se répètent
dans toutes les pièces officielles contre les
chrétiens, ne nous apprend rien de particulier. Les
neuf corps demeurèrent exposés pendant plusieurs
jours, au lieu de l’exécution. C’était le temps de la
grande chaleur, et il était tombé une pluie abondante.
Cependant, lorsque l’ordre de les inhumer arriva, on
reconnut avec étonnement qu’ils ne portaient aucune
trace de corruption. Les chairs étaient saines, les
visages vermeils, le sang aussi frais et aussi liquide
que s’il eût coulé de leurs blessures quelques minutes
auparavant. Cette merveille toucha vivement les
chrétiens et grand nombre de païens qui en furent
témoins. |