VII. La langue coréenne.
Tous
les examens dont nous venons de parler se font en
chinois, et n’ont pour objet que les caractères et les
livres chinois. Dans les huit grandes écoles du
gouvernement, on n’étudie que la littérature et les
sciences chinoises, tandis que la langue nalionale est
négligée et méprisée. Ce fait étrange s’explique par
l’histoire du pays. Depuis plus de deux siècles, la
Corée est tellement inféodée à la Chine, que le
chinois est devenu la langue officielle du
gouvernement et de la haute société coréenne. Tous les
employés du pouvoir doivent écrire leurs rapports en
chinois. Les annales du roi et du royaume, les
proclamations, les édits des mandarins, les jugements
des tribunaux, les livres de science, les inscriptions
sur les monuments, les correspondances, les registres
et livres de compte des négociants, les enseignes des
boutiques, etc., tout est en caractères chinois. Aussi,
non-seulement
les lettrés et les personnes instruites, mais un grand
nombre de gens du peuple savent lire et écrire ces
caractères. On les enseigne dans les familles, dans
les écoles, et pour les enfants des nobles surtout, on
peut dire que c’est leur seule étude. Il n’y a pas de
dictionnaires coréens, de sorte que pour comprendre un
mot coréen dont on ignore le sens, il faut connaître
le caractère chinois correspondant, ou s’adresser à
quelqu’un qui le connaisse. En Chine, les livres où
les enfants commencent à apprendre les caractères sont
imprimés en types très-gros, comme nos abécédaires. Le
plus souvent, on étudie d’abord le Tchoùen-ly ou livre
des mille caractères, qui date des empereurs Tsin et
Hàn. En Corée on se sert des mêmes livres, seulement,
sous chaque caractère chinois se trouvent : à droite,
sa prononciation à la manière coréenne; à gauche, le
mot coréen correspondant. La planche I, ci-jointe, est
la reproduction de la première page du Tchouèn-ly, tel
qu’il est employé dans les écoles primaires coréennes.
La
façon dont les Coréens prononcent le chinois en fait,
pour ainsi dire, une langue à part. Du reste, on sait
que, même en Chine, les habitants des diverses
provinces ont une manière trèsdifférente de parler
leur langue. Les caractères sont les mêmes et ont le
même sens pour tous, mais leur prononciation varie
tellement que les habitants du Fokien, par exemple, ou
de Canton, ne sont compris dans aucune autre province.
Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que le chinois des
Coréens soit incompréhensible aux habitants du
Céleste-Empire, et que les deux peuples ne puissent
ordinairement converser que par écrit, en dessinant
les caractères sur le papier avec un pinceau, ou dans
la paume de la main avec le doigt. Avant
que la conquête chinoise eût amené l’état actuel des
choses, les Coréens ont-ils eu une littérature
nationale? et qu’était cette littérature? La question
est très-difficile à résoudre, car les anciens livres
coréens, tombés dans un oubli complet, ont presque
tous disparu. Pendant les longues années de son
apostolat, Mgr Daveluy était parvenu à en recueillir
quelques-uns excessivement curieux, ils ont péri dans
un incendie. Aujourd’hui, on n’écrit presque plus de
nouveaux livres. Quelques romans, quelques recueils de
poésie, des histoires pour les enfants et les femmes,
c’est à peu près tout. Les
enfants apprennent à lire le coréen, sans s’en douter
pour ainsi dire, par la traduction qui est donnée dans
les livres élémentaires où ils étudient le chinois;
mais ils ne reconnaissent les syllabes que par
habitude, car ils ne savent pas épeler, ou décomposer
ces syllabes en lettres distinctes. Les femmes, les
gens de basse condition qui n’ont pas le moyen ou le
temps d’apprendre les caractères chinois, sont forcés
d’étudier les lettres coréennes; ils s’en servent pour
leur correspondance, leurs livres de compte, etc..
Tous les livres de religion imprimés par les
missionnaires .sont en caractères coréens. Aussi
presque tous les chrétiens savent lire et écrire leur
langue, en lettres alphabétiques, que les enfants
apprennent très-rapidement. Cette
rareté des livres coréens, le peu de cas que les
lettrés font de leur langue nationale, et surtout la
législation barbare qui interdit l’accès du pays à
tout étranger, sous peine de mort, sont cause que la
langue coréenne est complètement ignorée des
orientalistes. Depuis bientôt quarante ans, il y a des
missionnaires français en Corée; seuls, de tous les
peuples, ils ont vécu dans le pays, parlant et
écrivant cette langue pendant de longues années. Et
néanmoins, chose étrange ! jamais aucun savant n’a
songé à s’adresser à eux pour avoir, à ce sujet, les
notions exactes que seuls ils pouvaient communiquer.
Il n’entre pas dans notre plan de donner ici une
grammaire détaillée de cette langue, mais comme elle
est absolument inconnue en Europe, quelques
explications pourront intéresser tous les lecteurs par
la nouveauté du sujet, et n’être pas inutiles aux
savants de profession. On verra, dans le cours de
notre histoire, que les missionnaires se sont livrés
avec ardeur à l’étude du coréen. Mgr Daveluy avait
travaillé longtemps à un dictionnaire
chinois-coréen-français; M. Pourthié en avait composé
un autre coréen-chinois-latin; M. Petitnicolas avait
fait le dictionnaire latin-coréen qui comprenait plus
de trente mille mots latins et près de cent mille mots
coréens. Ces divers dictionnaires, ainsi qu’une
grammaire composée en commun, étaient achevés, et on
travaillait au collège à les copier, afin de conserver
dans la mission un exemplaire de chacun, pendant qu’un
autre serait envoyé en France pour y être imprimé,
lorsque éclata la persécution de 1866. Tout fut saisi
et livré aux flammes. Depuis lors, Mgr Ridel, vicaire
apostolique de Corée, et ses nouveaux confrères ont
refait, en partie, le travail des martyrs leurs
prédécesseurs, et préparé, à l’aide de quelques
chrétiens indigènes très-instruits, une grammaire et
un dictionnaire de la langue coréenne. Ces ouvrages
seront publiés prochainement, si les circonstances le
permettent. §. 1. — Lettres, Écriture,
prononciation. Lettres.
— On voit dans le tableau ci-joint (planche II) que
l’alphabet coréen se compose de vingt-cinq lettres :
onze voyelles et quatorze consonnes. Des
onze voyelles, sept sont simples : a, o, o, ou, eu, t,
à; les quatre autres sont mouillées, c’est-à-dire
précédées du son i, lequel se prononce avec la voyelle
suivante d’une seule émission de voix: ia, iô, io,
iou. Cette modification de son s’indique dans
l’écriture en redoublant le signe caractéristique de
la voyelle. Il
y a neuf consonnes simples : k, n, t, l, m, p, s, ng,
ts, et cinq aspirées : tch, kh, th, ph, h. — Les
quatre consonnes k, t, s, p, sont quelquefois doublées
pour indiquer un son plus sec, plus incisif que celui
de la consonne simple. La
composition et la valeur des diphthongues est indiquée
uaiis le tableau. Nous remarquerons seulement qu’en
coréen le son de é (fermé) ou è (ouvert) ne peut
s’écrire que par une diphthongue. Toutes
voyelles ou diphthongues peuvent commencer ou finir
une syllabe. Toutes les consonnes, excepté ng, peuvent
également commencer une syllabe, mais les huit
premières seulement peuvent la terminer, c’est-à-dire
que jamais une syllabe ou un mot ne peut finir par ts
ou par l’une des lettres aspirées. Les
sons qui manquent en coréen sont : pour les voyelles,
l’u français, quoique le son d’une des diphthongues
s’en rapproche un peu; pour les consonnes : b, g dur,
f, v, j, ch, d, z. Quelquefois k prend le son de g
dur, m et p prennent le son de b, mais les Coréens ne
peuvent pas prononcer les autres lettres. De même,
quoiqu’ils prononcent très-bien r entre deux voyelles,
ils ne peuvent prononcer cette lettre, ni au
commencement d’un mot, ni quand elle est jointe
immédiatement à une autre consonne : pour pra, tra,
etc., ils seront obligés de dire pira, tira. Écriture.
— Les lettres coréennes, comme celles de toutes les
langues, ont deux formes : la forme ordinaire que nous
avons donnée dans le tableau (pl. II), et qui sert
pour les livres imprimés (pl. III), et la forme
cursive ou celle de l’écriture courante (pl. IV). Les
livres imprimés étant d’abord écrits à la main, avant
d’être décalqués sur une planche, il n’est pas rare
d’y rencontrer certaines lettres qui s’éloignent de la
première forme et se rapprochent de la seconde. Chaque
ligne s’écrit de haut en bas, syllabe sur syllabe, en
colonne perpendiculaire. On commence â droite de la
page. La pagination se compte également de droite à
gauche, de sorte que la fin d’un livre coréen se
trouve là où est pour nous le commencement. Quand une
syllabe commence par une voyelle, cette voyelle
initiale est toujours précédée du signe o. Les
voyelles de forme verticale se placent sur la même
ligne, k droite des consonnes qui les précèdent; les
voyelles de forme horizontale se placent dessous (pl.
II). Ainsi on écrira ka, kiŏ, ko
[ko], k iou (kiou). Si la
syllabe se termine par une consonne, cette consonne
s’écrit toujours au dessous de la voyelle précédente :
ap (ap), kak
(kak), pat (pat)... —
Le coréen pourrait aussi s’écrire sur une ligne
horizontale, de droite à gauche, syllabe par syllabe,
comme ou le voit, planche 1, pour les mots coréens de
deux syllabes. Mais ce système n’est jamais employé
dans un livre purement coréen. Les missionnaires et
les chrétiens, pour correspondre entre eux avec
sécurité, s’écrivent en lignes horizontales. Lors même
que leurs lettres seraient interceptées, les païens,
habitués à lire de haut en bas, n’y verraient qu’une
succession de syllabes incohérentes. Il
n’y a pas, en coréen, de signes de ponctuation :
virgule, point, deux-points, etc.. nous verrons plus
loin comment on y supplée. Le
signe abréviatif (pl. II) indique qu’il faut répéter
la syllabe superposée. S’il est écrit deux ou trois
fois, c’est qu’il faut répéter les deux ou les trois
syllabes précédentes. Certaines
lois euphoniques font modifier le son de telle ou
telle finale devant telle ou telle initiale. Le plus
souvent on n’écrit pas ces changements. Quelquefois
cependant ils passent dans l’écriture. Par exemple: l
finale se trouvant presque toujours élidée, dans la
prononciation, devant une consonne initiale, il n’est
pas rare qu’on se permette de la supprimer en
écrivant. Prononciation.
— Nulle règle écrite ne peut enseigner la
prononciation exacte d’une langue étrangère. Cet
axiome est vrai surtout pour la langue coréenne, à
cause des voyelles indéterminées ŏ, eu, ä, qui
représentent toutes les nuances de son, depuis notre
emuet, en passant par eu fermé (comme dans peu), par
ew ouvert (comme dans peur), jusqu’à Va ouvert (comme
dans o?-). Ces voyelles se prennent aisément, en
certains cas, l’une pour l’autre, et les Coréens
eux-mêmes s’y trompent. Il
y a des voyelles et des diphthongues brèves et
longues. L’usage seul peut les faire reconnaître, car
aucun signe particulier ne les distingue dans
l’écriture. La
consonne tj ou ts a été quelquefois traduite par dj ou
tch. En fait, elle a une valeur mitoyenne entre ces
diverses prononciations, et ne peut être représentée
exactement par aucune. Les
consonnes désignées dans le tableau sous le nom
d’aspirées devraient plutôt s’appeler expirées. Le
terme adéquat serait : consonnes crachées, car le son
que produit un gosier coréen en les prononçant
ressemble à celui de l’expectoration. Pour
plus de détails, voir la planche II. § 2. — Grammaire (parties du
discours). Noms,
déclinaisons.
— Il y a en coréen un très-grand nombre de substantifs
monosyllabiques. Exemple : kho, nez; ip, bouche; noun,
œil; ni, dent; moun, porte; kat, chapeau; piŏk, mur,
etc. La plupart sont de deux syllabes. Exemples :
saràm, homme; nima, front; sätjä, lion; kitong,
colonne, etc. — Ceux de trois syllabes et plus sont
presque toujours des noms composés. Les
mots chinois abondent dans la langue coréenne. Le
peuple des campagnes s’en sert assez peu, mais les
savants, les habitants des villes et surtout ceux de
la capitale, les emploient avec profusion. Ces mots
suivent les règles ordinaires de la grammaire
coréenne. Les
substantifs n’ont pas de genre. On indique la
différence des sexes par des noms différents; ou bien
on met les mots : siou, mâle; am, femelle, devant le
nom de l’espèce. Les petits des animaux se désignent,
suivant l’espèce, parles mois sakki, atji, etc.,
ajoutés au nom ordinaire. Les
noms de métiers, professions, etc., se forment avec la
particule A-oun qui correspond à la terminaison latine
ator Ex.
: il, ouvrage il-koun, ouvrier; namou, bois;
namou-koun, bûcheron; tjim, faix, tjim-koun,
portefaix; norom, jeu, norom-koun, joueur. Le
coréen étant une des langues qu’on nomme
agglutinatives pour les distinguer des langues à
flexions, n’a qu’une seule déclinaison. Elle est
formée de neuf cas, ou, si l’on veut, de dix. En
effet, par une particularité assez bizarre, le
nominatif a une terminaison spéciale qui le distingue
du nom pur et simple. Voici les terminaisons des
différents cas :
Le
pluriel de tous les mots se forme en ajoutant la
terminaison teul, et se décline suivant la règle
précédente. Ex. : Saräm,
homme, saràm-teul, les hommes, saräm-teul-i,
saräm-teul-lo, sarämteuleue, saräm-teul-éké, etc.
(Prononcez : saräm-teur-i, saräm-teur-euè,
saräm-teur-èkè etc.} Deux
remarques compléteront cet exposé des règles de la
déclinaison coréenne. 1° Dans un certain nombre de
mots terminés soit par une consonne, soit par une
voyelle, l’usage a remplacé la terminaison èkè du
datif, par la contraction kké. 2° En coréen, comme
dans la plupart des langues agglutinalives, on indique
certaines nuances de signification, en surajoutant les
unes aux autres les terminaisons de divers cas. Ainsi
on rencontre les terminaisons composées : ké-ro (dat.
instr.), kè-ro-siô (dat. instr. abl.), etc. Adjectifs.
— En coréen, il n’y a pas d’adjectifs proprement dits.
On les remplace par des substantifs ou par des verbes.
Quand
un adjectif indique la matière d’un objet, sa nature,
son essence distincte, et qu’il peut, en français, se
remplacer par un nom au génitif, comme dans les
expressions : âme humaine (d’homme), brise printanière
(de printemps), cet adjectif se rend en coréen par un
substantif que l’on place avant le nom qualifié. Exemples
: langue coréenne, tsio-siôn-mal (Corée-langage);
l’oreille humaine, saràm-koui (homme-oreille). Le
premier substantif reste toujours invariable, et le
second seul se décline. Les
adjectifs qualificatifs, comme: bon, grand, puissant,
sont remplacés par des verbes, de la manière suivante.
Si l’adjectif est seul avec le substantif, on se sert
du participe relatif passé, qui se place avant le
substantif et demeure invariable. Si, au contraire,
l’adjectif est l’attribut de la proposition, le verbe
se met après, au temps voulu. Exemple
: le verbe neutre kheu-ta signifie : être grand; son
participe relatif passé est kheun, qui a été grand,
qui est grand. Les expressions : une grande maison, de
grandes maisons, à une grande maison, etc., se diront
: kheun tsip, kheun tsip-leul, kheun tsip-ékê, etc.
Si, au contraire, on veut traduire : la maison est
grande, la maison sera grande, la maison était grande,
on dira : tsip-i kheu ta, tsip-i kheu-ket-ta, tsip-i
kheu-tôni, etc., en conjuguant le verbe kheu-ta dont
tsip est le sujet. On
se sert presque toujours comme adjectif du participe
relatif passé, parce que la qualité existe dans
l’objet antérieurement à l’affirmation qu’on en fait.
Avec les expressions : digne de, propre à,
probablement, etc., on emploierait le participe
relatif futur, parce que ces expressions impliquent
une nuance de futurité. Tous
les mots coréens peuvent devenir adjectifs, à l’aide
des participes du verbe être ou du verbe faire. (Voir
divers exemples dans le Pater et l’Ave, pl. III, IV.)
Les
participes relatifs employés comme adjectifs,
deviennent quelquefois de véritables substantifs et se
déclinent comme tels. De
même que nous disons en français : un égal, les
petits, etc., on dira en coréen : kàtheun-éké, à un
égal; isiôkeun-eu-ro, par un petit, etc. Le
comparatif s’exprime par les mots : fo, plus, ou toi,
moins, placés devant Tadjectif (participe ou verbe).
Ex. : tô nap-ta, être plus haut; toi peulkeun kôt, la
chose moins rouge {litt., moins rouge-étant chose). On
peut employer aussi le verbe po-ta, voir. Ex. : i
saràm-i na po-ta kheu-ta, cet homme est plus grand que
moi {litt. cet homme moi voir être-grand). — Enfin
po-fa peut s’employer avant les mots to et toi. Ex. :
hè tàl po-ta tô nop-ta, le soleil est plus haut que la
lune (litt. soleil lune voir plus être-haut); hè piôl
po-ta toi nop-ta, le soleil est moins haut que les
étoiles. Le
superlatif relatif se rend par le mot tsioimg-é,
entre, parmi, qui précède l’adjectif. — Ex. : moteun
saràm tsioung-é kheu-ta, être le plus grand des hommes
{litt. tous hommes entre être-grand). Le
superlatif absolu se forme avec les adverbes
tsikeuk-hi, très, extrêmement; ontsion-i, entièrement,
etc., placés devant l’adjectif. Ex. : tsikeuk-hi
nop-ta, très-haut {litt. extrêmement être-haut). Noms
de nombre. — La langue coréenne n’a de noms que pour
les unités et les dizaines. I,
hàna; 2, toul; 3, sèt; 4, net; 5, tasàt; 6, iôsat;
l,ilkop; 8, iôtalp; 9, ahop; 10, iôl. II,
îor-hana (dix-un); 12, iôl-toul (dixdeux), etc.. 20,
seumoul; 30, siorheun; 40, maheun; 50, souin; 60,
iésioun; 70, irheun; 80, iôteun; 90, aheun. Les
noms : cent, mille, dix mille, etc., sont tirés du
chinois, et quand on les emploie au pluriel, leur
nombre doit être indiqué par les noms chinois des
unités. Ex. : trois cent soixante-cinq ans, le mot
pèk, cent, étant chinois, on ne peut pas employer le
mot coréen sèt, trois, et dire sèl-pèk; il faut
prendre le mot chinois sam, trois, et dire sam-pèk.
Ensuite, si le nom de la chose comptée est coréen,
soixante-cinq se dira en coréen; si ce nom est
chinois, soixante-cinq devra être également en
chinois; par conséquent, selon qu’on emploiera pour le
mot : année, l’expression coréenne hè, ou l’expression
chinoise niôn, on dira : sam-pèk ièsioun-tasàt hè, ou
bien sam-pèk-niouk-sip-o niŏn., trois cent
soixante-cinq ans. Les
noms de nombres cardinaux se placent avant le mot dont
ils désignent la quantité. Exemple : seumoul-saräm,
vingt hommes. Ces
noms employés seuls peuvent se décliner comme tous les
autres noms; mais, placés devant un substantif pour le
qualifier, ils deviennent adjectifs, et par conséquent
restent invariables. Les
nombres ordinaux se forment en ajoutant aux nombres
cardinaux coréens la terminaison tsè. Ex. : toul-tsè,
deuxième; ilkop-tsè, septième. De même qu’en français
on ne dit pas le unième, en coréen on ne dit pas
hàna-tsè, mais tchiôt-tsè, le premier. Les nombres
ordinaux chinois s’obtiennent en préfixant aux nombres
cardinaux le mot tiei. Ex. : tiel-sam, troisième;
tiel-sip, dixième; tiei-pék, centième. Ils s’emploient
avec les mots chinois, selon la règle expliquée plus
haut. Les
noms de nombres ordinaux précèdent le substantif et
sont invariables. Employés seuls, ils peuvent se
décliner. Pronoms.
— Le coréen n’a que deux pronoms personnels : na, je,
moi; et nô, tu, toi. Comme dans les autres langues de
la même famille, c’est un des pronoms démonstratifs
qui sert pour la troisième personne : il, lui. Le plus
ordinairement employées: tiô, celui-là, celle-là,
cela. Na
et no se déclinent suivant la règle générale. Deux cas
seulement font exception. Le nominatif, qui se forme
avec la terminaison ka, est pour la première personne
: nè—ka au lieu de na-ka; pour la seconde : né-ka au
lieu de nô-ka. L’instrumental de la première personne
est nal-lo, celui de la seconde est nôl-lo. Enfin, on
trouve au datif, outre la forme régulière, les formes
contractées : nè-kké, né-kké. Le
pluriel de la première personne est : ouri, nous;
celui de la seconde : nôheué, vous. On emploie
également d’autres pluriels dérivés des précédents :
ouri-teul, nous; nôheuè-teul, vous. Tous ces pluriels
se déclinent suivant la règle générale. Chez
toutes les nations, mais surtout dans les pays
asiatiques, l’usage des pronoms personnels est
restreint par les règles de la politesse. En Corée, un
homme du peuple, s”adressant à un mandarin, ne
s’avisera jamais de dire : je ou moi, il dira, en
parlant de lui-même: sio-in, petit homme. A plus forte
raison ne dira-t-il pas à son interlocuteur: tu ou
toi; il emploiera le titre voulu, comme nous disons
nous-mêmes : Votre Excellence, Votre Grandeur, etc..
Mais ce sont là des règles de civilité, et non de
grammaire. Il
n’y a pas de pronoms, ou, si l’on veut, d’adjectifs
possessifs; ce sont les pronoms personnels qui en
tiennent lieu. nè, né, uuri, nôheuè, placés devant un
substantif, deviennent adjectifs par position, et
signifient: mon, mien, ton, tien, notre, votre. II
va sans dire qu’ils demeurent alors invariables. Le
substantif seul se décline et prend, le cas échéant,
la marque du pluriel. On
pourrait également employer le pronom personnel au
génitif, et dire, par exemple : na-eué tsoé, de moi le
péché, au lieu de nè-tsoè, mon péché. Les
pronoms et adjectifs démonstratifs sont : i, tiu, heu,
tsa, pa, qui tous signifient : ce, cet, celui, celle,
ceux, celles, ces. i
désigne les personnes ou les choses rapprochées, et
correspond à : celui-ci, ceci, etc. — tiô s’emploie
pour les personnes où les choses éloignées, et
signifie : celui-là, cela, etc. — keu indique la
personne ou la chose dont on vient de parler. — tsia
et pa s’emploient avec les participes relatifs des
verbes. Ex. : kousiok hàn tsia (salut ayant fait
celui), celui qui a sauvé; pou-mo sârang hânàn pa
(père-mère amour faisant celui), celui qui aime ses
parents. — tsia se dit des personnes, pa se dit des
personnes et des choses. Tous
ces pronoms, quand ils ne sont pas joints à un
substantif, se déclinent suivant la règle générale.
Quand ils précèdent un substantif, ils deviennent
adjectifs et restent invariables. Les
pronoms et adjectifs interrogatifs sont : nout,
noukou, ({ui ? pour les personnes; mouôt, quoi? pour
les choses; ônà, Ôtlôn, quel? pour les personnes et
les choses, ônà signifie proprement : lequel? d’entre
plusieurs {quis); ôttôn, quel ? de quelle espèce?
{qualis). Ex. : ônä saräm inia, quel homme est-ce?
ioan-i olsieta (Jean être), c’est Jean, ôttôn saràm
inia, quel homme est-ce? koéak hàn saràm-i olsieta
(mal ayant fait, mal faisant homme être), c’est un
mauvais homme. Ces pronoms se déclinent quand ils sont
employés comme pronoms, c’est-à-dire isolément. Comme
adjectifs, ils restent invariables. Le
pronom réfléchi est tsakeué, soi-même, qui se décline
régulièrement. On emploie aussi tsô, tsè qui se
décline comme le pronom de la seconde personne nô, ne,
etc.. Il
n’y a pas en coréen de pronoms relatifs, on y supplée
par les participes relatifs joints aux substantifs ou
aux pronoms démonstratifs, comme nous venons de le
voir. Verbes,
conjugaison.
— Il y a, en coréen, des verbes actifs et des verbes
neutres, mais ces dénominations n’ont pas exactement
le même sens que dans nos langues. Un verbe actif, en
coréen, est celui qui exprime une action, qu’elle soit
faite ou reçue par le sujet, qu’elle se passe en lui
ou hors de lui; ce qui inclut les verbes transitifs,
intransitifs et passifs de nos grammaires. Faire,
pâtir, dormir, sont des verbes actifs. Les verbes
neutres, qui seraient peut-être mieux nommés verbes
qualificatifs ou verbes adjectifs, sont ceux qui
expriment une qualité ou une manière d’être : être
grand, être beau, etc. . . Il
suit de là que les verbes coréens n’ont pas de voix
passive. On y supplée par les divers modes du verbe
actif, surtout par les participes relatifs, ou bien
par une inversion dans la construction de la phrase. En
revanche, les verbes coréens comptent au moins sept
voix différentes. Outre la voix active ou verbe
affirmatif, il y a le verbe éventuel, le verbe
interrogatif, le verbe négatif, le verbe honorifique,
le verbe causatif, le verbe motivant, etc.. Comme
plusieurs autres langues de la même famille, le coréen
a deux verbes substantifs : it-ta, qui signifie
l’existence pure et simple, et il-ta, qui signifie
l’essence, la nature du sujet, it-ta veut dire :
exister; il-ta veut dire : être telle chose. Les
verbes composés sont excessivement nombreux. Ils se
forment par l’union d’un substantif et d’un verbe, ou
de deux verbes ensemble. — Tous les noms peuvent
devenir des verbes par l’addition du verbe il-ta, être
: homme-être, père-être, etc.; ou du verbe hà-ta,
faire : travail-faire (travailler), joie-faire (se
réjouir), etc. — Quand deux verbes se joignent, le
premier est au participe passé verbal, ou gérondif
passé, et le second seul se conjugue. C’est de cette
manière que la langue coréenne supplée à ces
prépositions qui jouent un si grand rôle dans les
verbes de nos langues. Ex. : apporter se traduira par
les verbes prendre et venir : ayant pris, viens
(apporte); emporter se construira de la même manière :
ayant pris, va (emporte). La
conjugaison coréenne est d’une simplicité toute
primitive. Il n’y a ni nombres, ni personnes. La même
expression signifie : je fais, lu fais, il fait, nous
faisons, vous faites, ils font. Si le sens de la
phrase ne suffit pas pour indiquer le sujet, on fait
précéder le verbe d’un pronom personnel. — Les modes
sont : l’indicatif, l’impératif, l’infinitif et les
participes. Il n’y a pas de subjonctif ou optatif. Dans
chaque forme du verbe, il faut distinguer trois choses
: la racine, le signe du temps, la terminaison. — La
racine, ou le radical du verbe, indique purement et
simplement l’état ou l’action que signifie le verbe.
Elle est par conséquent immuable. — Le signe du temps
indique si cet état ou cette action a eu lieu
auparavant, a lieu maintenant, ou aura lieu plus tard.
— La terminaison marque la différence entre les temps
principaux et les temps secondaires. Elle change
ordinairement avec les diverses voix des verbes. Les
radicaux coréens sont de deux espèces : ceux qui
rendent aspirée la consonne qui les suit
immédiatement, et ceux, beaucoup plus nombreux, qui
n’exigent pas cette aspiration. La terminaison de
l’infinitif, qui est ta dans ces derniers, devient,
dans les premiers, tha. Ex. : hà-ta, faire; no-tha,
lâcher. Les
signes de temps n’étant autres que les participes
verbaux, il importe, avant tout, de bien déterminer ce
que sont ces participes, et de les distinguer des
participes relatifs. Dans nos langues, le même mot
joue les deux rôles; nous disons : dominant sa colère,
il garda le silence, et : l’homme dominant ses
passions triomphera. Dans le premier exemple, dominant
n’est pas un véritable participe puisqu’il ne
participe pas de la nature de l’adjectif, ce serait
plutôt une espèce de gérondif. Dans le second cas,
dominant joue le rôle d’adjectif, et remplace le verbe
avec qui relatif. Or il y a, en coréen, deux formes
différentes de participes, pour exprimer ces deux sens
différents. Les premiers sont les participes verbaux,
et les seconds les véritables participes, ou
participes relatifs. Maintenant,
comment
se forment les participes verbaux? — Le participe
futur se forme en ajoutant au radical la particule ké
qui dans les verbes en tha devient khé. Ex. : hà-ta,
faire, hà-ké, devant faire; no-tha, lâcher, no-klié,
devant lâcher. — Le participe passé se forme en
ajoutant au radical l’une des voyelles a ou o. Dans
les verbes en tha, cette particule devient ha ou hô
Ex. : no-tha, lâcher, no-ha, ayant lâché; nô-tha,
placer, nô-hô, ayant placé. Dans les verbes en ta, la
voyelle a ou o se joint au radical soit directement,
soit à l’aide d’une lettre euphonique. Ex. : hâ-ta,
faire, hà-iô, ayant fait; tsô-ta, boiter, tsô-rô,
ayant boité; sin-ta, chausser, sin-ŏ, ayant chaussé.
Les verbes dont le radical est en a, n’ajoutent rien.
Ex. : tsa-ta, dormir, tsa, ayant dormi. Nota.
— Les règles euphoniques à observer dans la formation
du participe passé verbal, étant assez compliquées, le
dictionnaire, tout en donnant les verbes à
l’infinitif, indique toujours ce participe. Il
n’y a pas en coréen de participe verbal du présent.
C’est le radical pur et simple qui en tient lieu. En
effet, dès lors que la manière d’être ou l’action
affirmée par le verbe n’est rapportée ni au passé, ni
au futur, elle est, par cela même, au présent
habituel. Ce présent suffit pour les verbes neutres,
puisqu’ils expriment seulement un état, une manière
d’être; il suffit, par la même raison, pour les deux
verbes substantifs; aussi tous ces verbes n’ont-ils
pas d’autre présent de l’indicatif que l’infinitif
lui-même. — Mais ce présent habituel, trop vague, est
insuffisant pour les verbes actifs, où il est
nécessaire de spécifier plus clairement que l’action a
lieu au moment même où l’on parle. Le signe du présent
se forme alors de la manière suivante. Dans les verbes
en ta : si le radical se termine par une consonne
autre que /, on ajoute nân; s’il se termine par une
voyelle, on ajoute seulement n; s’il se termine par la
consonne l, on supprime cette lettre et l’on ajoute n
à la voyelle qui reste. Ex. : kkak-ta, tailler,
radical avec le signe du présent : kkak-nàn; hà-ta,
faire, radical et signe du présent : hàn; phoul-ta,
vendre : phoun. Dans les verbes en tha : si le radical
est terminé par une voyelle, on ajoute nàn, et comme
il n’y a pas de n aspirée dans l’alphabet coréen, on y
supplée en intercalant entre le radical et cette
particule la lettre t; si le radical se termine en /,
on ajoute nàn, ce qui, suivant les règles de
prononciation coréenne, donne l-làn. Ex. : nô-tha,
j)lacer, radical et signe du présent : nô-t-nàn;
il-tha, perdre: îl-nän (pron. il-län). Le
troisième élément d’une forme verbale est la
terminaison qui, avons-nous dit, sert à distinguer les
temps principaux des imparfaits. Les Coréens comptent
quatre temps principaux, le présent, le parfait, le
futur et le futur passé. Ce dernier se forme en
surajoutant le signe du futur au signe du passé. Les
temps secondaires, que l’on peut regarder comme les
imparfaits des précédents, sont : l’imparfait, le
plus-que-parfait, le conditionnel, et le conditionnel
passé. Dans le verbe ordinaire (voix affirmative), la
terminaison des temps principaux est ta, celle des
temps secondaires est tôni. Entre les participes
verbaux et ces terminaisons on insère un t euphonique.
Le
tableau suivant résume toutes les règles que nous
venons de donner et en montre l’application.
L’impératif
se forme du participe passé en ajoutant la terminaison
ra : hàiô-ra, fais. — (Il n’y a que deux exceptions.
On dit : onô-ra, viens, au lieu de oa-ra, et : kakôra.
va, au lieu de ka-rà). Nota.
— Il y a une autre forme d’impératif qui n’appartient
pas à la conjugaison régulière, et qui ne sert que
pour l’impératif pluriel de la première personne. Elle
s’obtient en ajoutant tsa au radical des verbes en la,
et tcha au radical des verbes en th. Ex. : hà-tsa.
faisons; nô-tcha, plaçons. Le
participe relatif présent se forme en ajoutant nàn au
radical. Dans les verbes en tha, on intercale t, pour
la raison ci-dessus énoncée. Ex. : hà-nân, faisant,
qui fait, qui est fait; no-t-nàn, lâchant, qui lâche,
qui est lâché. — Le participe relatif passé se forme
comme il suit. Dans les verbes en ta : si le radical
se termine par une consonne autre que l, on ajoute
eun; s’il se termine par une voyelle, on ajoute
simplement n; s’il se termine par l, on supprime cette
consonne, et l’on ajoute n à la voyelle qui reste.
Dans les verbes en tha on ajoute heun au radical. Ex.
: soum-eun, caché, ayant caché, qui a caché, qui a été
caché; hân, fait, ayant fait, qui a fait, qui a été
fait; phou-n, vendu, ayant vendu, qui a vendu, qui a
été vendu; nô-heun, placé, ayant placé, etc.; il-heun,
perdu, ayant perdu, etc.. — Le participe relatif futur
se forme du participe relatif passé en chageant n en
l, soum-eul, hàl, phoul, nô-heul, etc., (devant faire,
qui fera, qui sera fait, etc..) Le
verbe est très-souvent employé comme substantif. Il
prend alors une forme particulière qui s’obtient en
changeant l’n final du participe passé relatif, en m,
et qui se décline à tous les cas : hâm, faire, hàm-i,
le faire, hâm-eu-ro, par le faire, etc.. Outre cette
forme qui se trouve surtout dans les livres, il y en a
une autre beaucoup plus employée dans la conversation.
Elle s’obtient en ajoutant ki au radical, et à chacun
des participes verbaux, hà-ki, le faire; hàiôt-ki, le
avoir fait; hàkèt-t-ki, le devoir faire. Ces trois
nouveaux substantifs se déclinent. Quelques
mots sur les autres voix des verbes compléteront la
théorie de la conjugaison coréenne. Le
verbe éventuel est celui qui se conjugue avec la
condition si, si je fais, si j’ai fait, si je dois
faire, etc.. il n’a que le mode indicatif. Le présent
se forme en ajoutant au radical : s’il est terminé par
une consonne autre que l, la terminaison eumiôn; s’il
est terminé par une voyelle, ou par l (qu’on
retranche), la terminaison miôn. Dans les verbes en
tlia, la terminaison devient heumiôn. Ex. :
soum-eumiôn, si je vends; hà-miôn, si je fais;
nô-heumiôn, si je place. Les autres temps se forment
comme ceux de l’indicatif ordinaire, en changeant ta
en simiôn, ettôni en tômiôn. Ex. : hà-tômiôn, si je
faisais; haiot-t-tomion, si j’avais fait;
hàkè-t-simion, si je dois faire (litt. si je ferai),
etc Le
verbe interrogatif se forme d’une manière analogue.
Les terminaisons ta du verbe affirmatif se changent en
nània, les terminaisons tôni en tonia. Au présent, la
terminaison se joint directement au radical, en
laissant de côté le signe du présent. Ex. : hà-nània,
fais-je? fais-tu? etc... hà-tônia, faisais-je?
hàkétnània, ferai-je? hàiôtkét-tônia, aurais-je fait?
etc... Il
n’y a que deux verbes négatifs proprement dits,
lesquels correspondent aux deux verbes substantifs,
dont nous avons parlé plus haut, ŏp-ta, négatif de
it-ta, signifie : ne pas être, ne pas exister; ani-ta
ou anilta, négatif de il-ta, signifie : ne pas être
telle chose. Tous les verbes peuvent devenir négatifs,
en ajoutant au radical la termison tsan-ta qui se
conjugue suivant la règle générale. Naturellement,
dans les verbes en tha, cette terminaison aspire sa
première consonne et devient tchan-ta. — tsan-ta est
une contraction de isi-anita, tsi particule qui
implique doute et qui appelle une négation, et le
verbe négatif ani-ta dont nous venons déparier. — Une
autre forme du négalif s’obtient en ajoutant au
radical la terminaison tsi-mot-hâta, composée de la
particule tsi, de mot qui signifie : impuissance, et
du verbe hä-ta, faire. Cette dernière forme du négatif
signifie littéralement, je suis dans l’impuissance
de..., je ne puis pas.... Le
verbe honorifique se forme en ajoutant si-ta aux
radicaux terminés par une voyelle, et eusi-ta à ceux
qui sont terminés par une consonne. Pour les verbes en
tha, ou ajoute au radical heusi-ta. Ex. : hà-ta,
faire, hà-si-ta, si l’on parle d’une personne élevée
en dignité; tsip-ta, prendre, tsip-eusi-ta; kip-ta,
être profond, kip-heusi-ta, etc... L’honorifique des
verbes substantifs est : Pour it-t a : kiesi-ta; et
pour il-ta: sil-ta, isil-ta, ou isi-ta. Le verbe à
honorifiquc se conjugue suivant la règle générale, à
l’affirmatif, à l’éventuel, à l’interrogatif, au
caiisatif, etc.. Le
verbe causatif se forme en ajoutant ha-ta, faire, au
participe verbal futur. Ex. : hàkè-hàta, faire faire
[litt. faire que fera); tsa-ta, dormir, tsaké-hàta,
faire dormir (litt. faire que dormira). Le
verbe motivant indique le motif, le pourquoi de ce qui
va suivre. Il répond à notre verbe actif conjugué avec
la préposition parce que. Il se forme en ajoutant au
radical la terminaison nitka, et aux participes
verbaux, la terminaison si-nitka. Ex. : hà-nitka,
parce que je fais, hâiôt-si-nitka, parce que j’ai
fait, hàkét-si-nitka, parce que je ferai. On peut
employer aussi l’expression suivante : hà-nànkoro,
hàiôt-nànkoro, hàkét-nankoro, qui a le même sens. —
Arrêtons-nous une minute à analyser cette dernière
forme, qui nous donne une idée claire de la manière
dont procèdent les langues agglutinatives. Nous avons
d’abord le verbe aux trois temps primitifs : le
présent, représenté parle radical; le passé et le
futur, représentés par les participes verbaux. En
ajoutant nàn, on obtient des participes présents qui
signifient : être actuellement ayant fait, être
actuellement faisant, être actuellement devant faire.
La particule ko implique le sens d’affirmation : oui,
vraiment. Enfin on surajoute au tout la terminaison ro
du cas instrumental, lequel signifie : par, au moyen
de : hàkét-nànkoro, parce que je ferai, parce que tu
feras, etc., signifie donc littéralement : par le
vraiment être devant faire. Il
y a encore quelques autres formes de conjugaison
indiquant différentes nuances de signification. Celles
qui précèdent sont les plus usitées, et donnent une
idée suffisante du génie propre de la langue coréenne.
Les
terminaisons verbales que nous avons énumérées
jusqu’ici, sont souvent modifiées ou remplacées par
d’autres terminaisons que l’on peut rapporter à trois
classes différentes. — 1” Les terminaisons
bonorifiques. Le Coréen qui adresse la parole à un
autre changera ou modifiera la terminaison du verbe,
suivant que l’individu à qui il parle est son
supérieur, son égal, ou son inférieur. De plus, il
aura des nuances différentes pour le supérieur plus ou
moins élevé en dignité, pour l’égal qu’il ne connaît
pas ou qu’il connaît avec plus ou moins d’intimité,
pour l’inférieur qu’il traite avec amitié, avec
indifférence ou avec mépris. Enfin, s’il parle d’une
tierce personne, son langage devra indiquer si elle
est supérieure, ou égale, ou inférieure à son
interlocuteur. On
voit que les règles de la civilité compliquent
terriblement les règles de la grammaire. — 2° Beaucoup
de terminaisons sont usitées, pour indiquer certaines
nuances de sens : Taffirmation, la possibilité, le
doute, la probabilité, l’espérance, le reproche, etc..
etc.. — 3” Enfin, il y a des terminaisons spéciales
pour indiquer que le sens de la phrase est suspendu ou
terminé, en un mot, pour remplacer la ponctuation. Ces
diverses particules terminatives s’ajoutent : les unes
au radical, les autres aux participes verbaux,
d’autres à la terminaison régulière, d’autres enfin à
l’une ou à l’autre forme indifféremment. Déplus, elles
se surajoutent et s’agglutinent très-souvent les unes
aux autres, pour former un sens complexe, lequel est
la résultante des sens de chaque fragment séparé. On
conçoit qu’avec un pareil système, applicable aux
divers temps et aux diverses voix de chaque verbe, la
somme de toutes les terminaisons simples ou composées
que peut avoir un radical s’élève à un chiffre énorme.
Les Coréens en comptent plusieurs milliers, mais dans
les listes qu’ils en donnent, il faut retrancher
beaucoup de composés qui sont, non des terminaisons,
mais de véritables phrases. Ainsi, par exemple, ils
comptent parmi les terminaisons des verbes le mot ttè,
temps (ou son locatif ttè-é), qui se joint aux
partici|)es relatifs pour signifier : lorsque :
hàn-ttè-é, lorsqu’il a fait; hàl-Uè-é, lorsqu’il fera.
Un
mot seulement des terminaisons qui constituent la
ponctuation et remplacent la virgule, le point, le
point et virgule, les deux points, signes inconnus
dans l’écriture coréenne. — La virgule s’indique le
jdus ordinairement par la terminaison Ico, quelquefois
par mlô, ou par io (du verbe il-ta), ou isio (du verbe
honorifique isi-ta). La conjonction : et, en coréen
oa, koa, hoa, les formes du vocatif a, m, w, peuvent
également indiquer une virgule. — Le point et virgule
se rend par les terminaisons miô, hàni, ini. — Les
deux points sont indiqués par les terminaisons a, ia,
iô d’un participe passé, lorsqu’une énumération doit
suivre, et par la particule /è, lorsqu’on va citer les
paroles de quelqu’un. — Le point est exprimé par
toutes les combinaisons de particules qui se terminent
en ta on ra: nira, inira, nanita, nantota, tota,
tosoita, et par d’autres encore comme siosio, etc.
(Voyez le Pater et l’Ave Maria en coréen, pl. III et
IV). Adverbes.
— Les adverbes simples sont en assez petit nombre. Ex.
: ta, plus; toi, moins; tto, encore; miut, combien;
man, seulement, etc. Ces mots ont été ou sont encore
de véritables substantifs, signifiant : le plus, le
moins, etc.. Parmi les adverbes composés, les uns sont
des substantifs, adjectifs, ou pronoms mis au cas
voulu, le plus souvent à l’ablatif, au locatif et h
rinstrumental. La plupart sont plutôt des locutions
adverbiales. Ex. : ônà-ttè (quel temps) quand ?;
tiô-ttè (ce temps-là), dernièrement; tsion-é (dans le
devant), avant; hou-é (dans l’arrière), après;
iô-keué, ici; id-keuc-siu, (ï’id; tid-keué,\h’,
tiô-keuê siô, de là; tto-han, aussi; han-katsi-ro,
ensemble; uttdkhé, comment; etc. Les autres adverbes
composés se forment des verbes neutres en ajoutant au
radical i. M, kei, khei, Ex. : polk-i, évidemment;
kateuk-hi, pleinement; kheu-kei, grandement; etc. Postpositions.
— Elles tiennent lieu de nos prépositions. Les
principales sont celles qui servent pour la
déclinaison, il y en a une ou deux autres. Ex. : kiri,
avec. Les Coréens en comptent un certain nombre, qui
sont en réalité des locutions postpositives. Ex.;
po-to, en comparaison de {litt. voir); tsoung-é, dans,
parmi; in-hàia, par; oui-hàia, pour. Ces deux
dernières sont des participes verbaux qui gouvernent
l’accusatif. Conjonctions.
— La conjonction et se traduit par oa quand le mot
précédent finit par une consonne, par hoa lorsqu’il
finit par une voyelle. Souvent aussi on emploie ko,
seul ou avec le radical M du verbe faire : hà-ko. Ces
particules étant plutôt des participes continuatifs
que de véritables conjonctions, se placent après le
mot, et doivent être répétées après chacun des mots ou
(les propositions que l’on veut relier ensemble. Ex. :
keul-sseu-ko t’sèk-po-ko, écrire-et lire-et. Les
autres conjonctions sont : hok, ou; manân, mais;
pirok, quoique, etc.. On rencontre aussi des locutions
conjonctives. Ex. : iônkoro., donc {litt. par le être
ainsi). Interjections.
— Les principales sont : èko, hélas !; e, è, fi !;
ana, iôpo, eh !; ia, holà ! etc.... On peut aussi
rattacher aux interjections les deux formes ordinaires
de l’affirmation : orna, oui (du supérieur à
l’inférieur), te, oui (de l’inférieur au supérieur). § 3. — Grammaire (syntaxe). Le
principe fondamental de la syntaxe coréenne est
celui-ci : le mot qui gouverne est invariablement
placé après le mot qui est gouverné. D’où il suit que
: — dans la déclinaison, la préposition indiquant le
cas change de place, et devient postposition parce
qu’elle gouverne le nom; — le nom au génitif précède
celui qui le gouverne; — radjectif ou participe
relatif précède le nom auquel il se rattache; —
l’adverbe précède le verbe; — le substantif précède le
verbe par lequel il est gouverné, etc.. La forme
invariable d’une phrase coréenne est donc : 1° le
sujet précédé de tous ses attributs, s’il en a; 2° le
régime indirect au cas voulu, précédé également de ses
attributs; 3° le régime direct précédé de tout ce qui
s’y rattache; A” enfin le verbe, précédé des adverbes,
etc., lequel termine nécessairement la phrase. Cette
règle générale sera suffisamment complétée par les
observations suivantes. Souvent
on omet le signe du pluriel, surtout dans le langage
ordinaire de la conservation. Ex. : seumou saràm,
vingt hommes, pour seumou saràm-teul. On
omet aussi volontiers le signe du génitif. Ex. :
namou-nôp, feuille d’arbre Jilt. arbre-feuille), au
lieu de namou-eué nôp. Dans les mots tirés du chinois,
cette exception devient la règle absolue. Ex :
thiôn-tsiou-kiông, prière du maître du ciel (litt.
ciel-maitre-prière) Quand
divers noms sont reliés par des conjonctions, le
dernier seul prend le signe du cas, les autres restant
invariables. Ex : nakoui-oa màl-koa kè-éké
tsouuttàpnaita, j’ai donné à l’ane, au cheval et au
chien. Les
mots chinois sont très-employés, à l’exclusion des
mots coréens, par les gens de la haute classe et par
les habitants des villes; les paysans eux-mêmes s’en
servent quelquefois. En pareil cas, les adjectifs,
noms de nombre, adverbes, etc., qui accompagnent un
substantif ou un verbe chinois, doivent aussi être
chinois. Jamais on ne met un adjectif coréen à un nom
chinois, et réciproquement. Quand
plusieurs adjectifs se rapportent à un seul sujet, le
dernier adjectif seul prend la forme ordinaire
(participe relatif); les autres sont au radical avec
la conjonction ko. Ex : kôm-ko heuè-ko peulk-ko
pheur-àn pit. Les couleurs : noire, blanche, rouge et
bleue. Dans
une énumération, contrairement à nos idées de
politesse, le pronom je ou moi se met le premier. Ex.
: na-hàko apôtsihako ômôni-hàko (ong-sâiny-hako
nounim-hàko aki-hàko tsalteuritta. Ce qui signifie
littéralement moi-et, père-et, mère-et, frère-et,
sœur-et, petit enfant-et, bien (portants) être. Quand
les termes d’une énumération sont des verbes à
l’infinitif, le dernier seul se conjugue, les auties
sont au radical suivi de la conjonction ko. Ex :
pallo-to ssao-ko, soneuro-to ssao-ko niro-to
ssaoat-ta. Ils ont combattu des pieds, des mains et
des dents. (Litt. par pied aussi combattre-et, par
main aussi combattre-et, par dent aussi ils ont
combattu). Généralement
les choses inanimées ne peuvent pas être le sujet d’un
verbe. En pareil cas, on tourne la phrase d’une autre
manière. Quoique
les verbes actifs gouvernent l’accusatif, le signe de
ce cas est très-souvent omis après les régimes
directs, surtout en conversation. § 4. — A Quelle Famille
Appartient la Langue Coréenne ? Dans
la classification des langues, l’élément fondamental
est la ressemblance ou la diversité de structure
grammaticale. La ressemblance ou la diversité des mots
n’a qu’une importance très-secondaire. Or toutes les
règles dont nous venons de donner un résumé,
démontrent d’une manière évidente que le coréen
appartient à cette famille de langues que l’on nomme
généralement : mongoles, oural-altaïques,
touraniennes, etc., et qui serait mieux caractérisée
par le terme : scythiques ou tartares, puisque les
mots : Scythes, chez les anciens, et Tartares, chez
les modernes, ont toujours servi à désigner l’ensemble
des peuples de la haute Asie. Quels
sont en effet les principaux caractères des langues
tartares, par contradistinction avec les langues
indo-européennes? Les
langues indo-européennes ont des mots de genre
différent non-seulement pour les êtres vivants, dans
lesquels existe la distinction de sexe, mais aussi
pour les êtres inanimés et pour les idées abstraites;
dans les langues tartares, au contraire, les noms sont
tous neutres ou plutôt n’ont point de genre. Les
langues indo-européennes ont diverses déclinaisons
pour les noms singuliers; le pluriel y est toujours
distinct et se décline d’une manière différente; les
terminaisons des cas, quelle qu’ait été leur origine
primitive, sont devenues des changements ou flexions
du mot lui-même, d’où leur nom de langues à flexions.
Dans les langues tartares il n’y a qu’une seule
déclinaison; les cas se forment par l’addition de
postpositions qui restent distinctes et séparables du
nom; le pluriel est indiqué par une particule spéciale
jointe au radical, à laquelle s’ajoutent pour la
déclinaison les mêmes postpositions qu’au singulier;
enfin, par une ressemblance curieuse, la postposiiion
du datif est caractérisée dans un certain nombre de
ces langues par la gutturale k, qui se trouve dans les
langues du sud de l’Inde comme en coréen. Les
langues indo-européennes ont des adjectifs qui se
déclinent comme les substantifs, et s’accordent avec
eux en genre, en nombre et en cas. Dans les langues
tartares, les adjectifs proprement dits sont
très-rares, et toujours invariables; les noms ou
verbes de qualité et de relation qui tiennent leur
place, et deviennent adjectifs par leur position avant
le substantif, sont, comme tels, invariables. Les
langues indo-européennes ont des pronoms pour les
trois personnes. Les langues tartares, surtout les
plus primitives, manquent du pronom de la troisième
personne qu’elles remplacent par un pronom
démonstratif. Les
langues indo-européennes sont toutes abondamment
pourvues de pronoms relatifs. Dans la plupart des
langues tartares, on ne trouve pas de trace de
l’existence de ces pronoms, et on les remplace par des
participes relatifs, qui incluent en un seul mot
l’idée exprimée par le verbe et l’idée de relation. Dans
les conjugaisons variées des langues indo-européennes,
les divers modes, temps ou personnes sont indiqués par
des changements ou flexions du verbe lui-même. Dans
les langues tartares l’unique conjugaison se forme par
voie agglutinative, en ajoutant ou surajoutant des
particules qui restent toujours distinctes. Les
prépositions séparées, ou préfixées aux noms et aux
verbes pour en modifier le sens, jouent un grand rôle
dans les langues indo-européennes. Les langues
tartares remplacent les prépositions isolées qui
indiquent un rapport quelconque par des postpositions,
et ne forment des verbes composés qu’à l’aide de noms
ou d’autres verbes. Les
langues indo-européennes ont toutes la voix passive
régulièrement conjuguée, avec des terminaisons
différentes de l’actif; elles manquent de verbes
négatifs, qu’elles remplacent par une négation
distincte employée adverbialement. Dans les langues
tartares qui ont le passif, il se forme par l’addition
au radical d’une particule spéciale à laquelle se
joignent les terminaisons de la conjugaison ordinaire.
Dans les autres, la voix passive manque absolument. En
revanche, l’existence de verbes négatifs distincts, et
d’une voix négative commune à tous les verbes, sont
des particularités spéciales aux langues tartares. Enfin,
pour ne pas prolonger inutilement cette comparaison,
dans les langues indo-européennes, le mot qui gouverne
précède généralement le mot qui est gouverné, au lieu
que dans toutes les langues tartares, il est
invariablement placé après. Or
ces signes caractéristiques des langues tartares, que
nous venons d’énumérer, nous les retrouvons tous sans
exception dans la grammaire coréenne; donc le coréen
appartient à la famille des langues tartares. Le fait
est hors de doute. Maintenant, à quel groupe de cette
famille se rattache-t-il plus particulièrement? c’est
une question qui devra être éclaircie plus tard, lors
de la publication de la grammaire et du dictionnaire.
Un fait curieux, qu’il n’est pas inutile de noter en
passant, c’est la ressemblance entre la grammaire
coréenne et la grammaire des langues dravidiennes, ou
langues du sud de l’Inde. Dans beaucoup de cas, les
règles sont, non-seulement analogues, mais identiques.
La ressemblance entre certains mots coréens et
dravidiens n’est pas moins frappante. L’étude
approfondie de ces analogies jetterait un grand jour
sur quelques points importants de l’histoire primitive
des peuples indous, et sur diverses questions
ethnographiques encore peu connues. |