RELATION DE
L'�TABLISSEMENT DU CHRISTIANISME DANS LE
ROYAUME DE COR�E ,
R�dig�e, en latin, par Monseigneur de Govea Ev�que de Pekin, et
adress�e le 15 Ao�t 1797 � Monseigneur de St. Martin
Ev�que de Caradre
, et Vicaire Apostolique de la Province du Sutchuen en Chine. Traduction
sur une copie re�ue � Londres lo
12 Juillet 1798.
English translation with
Preface
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English translation without Preface
MONSEIGNEUR de Govea, nomm� par
la Reine de Portugal Ev�que de Pekin,
arriva dans
cette capitale, � la fin de 1784, ou au commencement
de 1785, avec la
permission de l'Empereur qui l'avoit
admis au nombre
de ses astronomes. Il y avoit
alors en Chine une
violente pers�cution contre la Religion Chr�tienne.
Trois Ev�ques et vingt-trois
missionnaires tant Europ�ens que Chinois des
diff�rentes provinces de l'Empire
furent conduits dans les prisons de Pekin. Ceux de
cette capitale, qui jouissent de toute libert�, parce
qu'ils y sont comme
artistes, astronomes &c. de l'Empereur, n'en
eurent pas plut�t connoissance
qu'ils firent tout ce qui d� pendoit
d'eux pour leur procurer du se cours
dans les prisons. Ils eurent la douleur d'y voir p�rir
deux Ev�ques et
plusieurs missionnaires de mis�re, ou par suite des
mauvais traitemens
et des fatigues qu'ils avoient essuy�s avant d'�tre
amen�s � Pekin, parce
qu'ils n'avoient pas �t� instruits � tems de
leur d�tention ; mais ils eurent la consolation de
sauver par leurs soins Mon
seigneur de St. Martin Ev�que de Caradre,
Vicaire
Apostolique de la province du Sutchuen,
et plusieurs
pr�tres. Ils obtinrent. ensuite
par leur cr�dit � la
Cour, la d�livrance de ces Confesseurs de
J�sus-Christ. L'Empereur en leur
rendant la libert� leur laissa le choix de rester dans
les �glises de Pekin ou
de retourner � Macao. La plupart, et en
particulier M. l'Ev�que de Caradre
et M. Dufresse,
demand�rent � retourner � Macao, dans l'esp�rance
d'y trouver le moyen de rentrer dans leur mission. Il
leur fut permis de rester
quelque tems
dans les
�glises de Pekin. M.
l'Ev�que de cette capitale �tant
nouvellement arriv� ne connoissoit
point encore les m�urs
et les usages du pays. Il crut que la Divine
Providence lui offroit
une occasion favorable de se mettre en peu de tems en
�tat de gouverner son Dioc�se avec fruit, en se
rendant propre l'exp�rience de
tant d'Ouvriers Evang�liques qui exer�oient
le St.
Minist�re en Chine depuis plusieurs ann�es : il eut
avec eux de fr�quens
entretiens, mais il lia d'une mani�re particuli�re
avec M. l'Ev�que de Caradre,
soit � raison de sa
dignit�, soit � raison de son m�rite personnel. Ce
pr�lat fut envoy� � Canton
pour de l� passer en Europe ; mais il trompa la
vigilance des mandarins et se
rendit � Manille afin d'�tre plus � port�e de
retourner dans sa mission. Il eut
en effet la consolation d'y rentrer en 1787. Depuis ce tems
ces deux Ev�ques entre tiennent une correspondance non
interrompue ; ils
s'�difient mutuellement, en se communiquant les succ�s
de leurs travaux
Apostoliques et les progr�s de l'Evangile dans leurs
Eglises. RELATION DE
L'�TABLISSEMENT DU CHRISTIANISME DANS LE
ROYAUME DE Cor�e, R�dig�e, en
latin,
par Monseigneur de Govea
Ev�que de Pekin, et
adress�e le 15 Ao�t 1797 � Monseigneur de St.
Martin Ev�que de Caradre,
et Vicaire Apostolique de
la Province du Sutchuen
en Chine. Traduction sur une
copie re�ue � Londres le 12 Juillet 1798. Illustrissime &
R�v�rendissime Seigneur ANIM� d�un z�le ardent
pour les saintes missions, vous
m'avez demand�, Monseigneur, une plus ample relation
sur l'�tat du
Christianisme �tabli d'une mani�re si admirable depuis
peu d'ann�es dans le
Royaume de Cor�e situ� aux confins de mon Dioc�se, et
dont j'avois recommand�
les pr�mices � vos pri�res et � celles de votre
Eglise. Pour me rendre � vos
d�sirs, je tracerai en abr�g� l'histoire de
l'�tablissement et des progr�s de
l'Evangile dans ce Royaume, d'apr�s les connoissances
que m'ont donn�es les n�ophytes Cor�ens et d'apr�s les
informations contenues
dans les derni�res lettres que j'ai re�ues cette ann�e
du missionnaire de la
Cor�e. La nouvelle Eglise de Cor�e doit son origine �
la conversion d'un jeune
homme fils d'un Ambassadeur du Roi de Cor�e, appell�
Ly, qui vint � Pekin en
1784. (a) Ce jeune homme
grand amateur des math�matiques s'adressa aux
Europ�ens pour leur demander des
livres qui traitoient de
cette science et en recevoir
des le�ons. Les missionnaires profit�rent de
l'occasion pour lui pr�senter des
livres sur la Religion Chr�tienne avec ceux de
math�matiques, et lui
insinu�rent peu � peu les principes du Christianisme.
La gr�ce agissant sur le coeur
du jeune Ly, la lecture des livres de Religion, les (a) Le Royaume de
Cor�e (grande presqu'ile � l'orient de
la Chine) est tributaire de cet Empire. Le Roi en voie
tous les ans des
Ambassadeurs pour saluer l'Empereur en son nom et lui
offrir le tribut qu'il
est d'usage de payer. Cette ambassade s'envoie � la
fin de l'ann�e Chinoise qui
tombe dans le courant de F�vrier. Le Roi de Cor�e
nomme pour Ambassadeurs trois
grands Seigneurs qui se rendent � Pekin accompagn�s
de plusieurs mandarins subalternes et d'un grand
nombre de domestiques ; ce qui
forme une suite d'environ deux cens
personnes. conversations qu'il eut par
�crit (a) avec les missionnaires Europ�ens lui firent
une vive impression ; il
se convertit � la foi, et instruit sur les articles
qu'il est n�cessaire de
savoir, il fut baptis� sous le nom de Pierre : il
retourna la m�me ann�e dans
sa patrie, muni d'une bonne provision de livres qui traitoient
de la Religion Chr�tienne. (b) (a) Les caract�res ou
lettres des Cor�ens sont les m�mes
que ceux des Chinois ; mais la prononciation en est
diff�rente ; en sorte que
les missionnaires et tous les Chinois qui connoissent
les caract�res Chinois peuvent communiquer par �crit
avec les Cor�ens qui se
servent de ces m�mes caract�res ; Les Cor�ens sont
aussi en �tat de lire et de
comprendre les livres de Religion �crits en lettres
Chinoises par les
missionnaires. (b) Note de l�Edit.
Nous esp�rons que les personnes. pieuses
seront �difi�es de trouver ici quelques d�tails plus
circonstanci�s de la conversion de ce jeune homme ;
c'est pourquoi nous mettons
ici l'extrait d'une lettre de Mr. de Ventavon
missionnaire � Pekin, en
date du 25 Novembre 1784. � Vous apprendrez sans
doute avec consolation, dit Mr. de Ventavon, la
conversion d'une personne dont
Dieu se servira peut-�tre pour �clairer des lumi�res
de l'Evangile un Royaume
o� on ne sache pas qu'aucun missionnaire
ait jamais
p�n�tr� ; c'est la Cor�e presqu'ile situ�e � l'orient
de la Chine. Le Roi de
cette contr�e envoie tous les ans des Ambassadeurs �
l'Empereur de la Chine
dont il se re garde comme vassal. Il n'y perd rien :
car s'il fait des pr�s
sens consid�rables � l'Empereur, l'Empereur lui en
fait de plus consid�rables
encore. Ces Ambassadeurs Cor�ens vinrent, il y a pr�s
d'un an, eux et leur
suite, visiter notre �glise ; nous leur donn�mes des
livres de Religion. Le
fils d'un de ces Seigneurs �g�
de 27 ans et tr�s bon
lettr� les lut avec avidit� ; il y vit la v�rit�, et
l� gr�ce agissant sur son c�ur,
il r�solut d'embrasser la Religion, apr�s s'en �tre
instruit � fond. Avant de
l'admettre au bapt�me, nous lui fimes
plusieurs
questions auxquelles il satisfit parfaitement : nous
lui demanda mes, entre
autres choses, ce qu'il �toit
r�solu de faire, dans
le cas o� le Roi d�sapprouveroit
sa d�marche, et voudroit
le forcer � renoncer� sa
foi : il r�pondit, sans h�siter, qu'il souffriroit
tous les tourmens et la
mort plut�t que d'abandonner
une Religion dont il avoit
clairement connu la v�rit�.
Nous ne manqu�mes pas de l'avertir que la puret� de la
Loi Evang�lique ne souffroit
point la pluralit� des femmes : il repliqua : je n'ai que mon
�pouse l�gitime, et je n'en
aurai jamais d'autres. Enfin avant son d�part pour
retourner en Cor�e, il fut
admis, du consentement de son p�re, au Bapt�me que Mr.
de Grammont lui
administra. Il re�ut le nom de Pierre ; son nom de
famille est Ly : on le dit
alli� de la Maison Royalė.
Il d�clara qu'� son
retour il vouloit
renoncer aux grandeurs humaines, et
se retirer avec sa famille dans une campagne, pour
vaquer uniquement � son
salut. Il promit de nous donner de ses nouvelles
chaque ann�e. Les Ambassadeurs
promirent aussi de proposer � leur Souverain d'appeller
des Europ�ens dans ses Etats. " Ce nouveau disciple de J�sus - Christ
fit part � ses parens et
� ses amis des principes de
la vraie foi qu'il avoit
appris des missionnaires de Pekin,
et des monumens de la
Religion qu'il avoit vus
dans leurs �glises. Il leur
distribua les livres qu'il avoit
apport�s. La lecture
de ces livres et les pr�dications vives du n�ophyte amener�nt
bient�t plusieurs Cor�ens � la connoissance
du vrai
Dieu : en peu de tems un grand nombre crurent en
J�sus-Christ. Quelques-uns
m�me devinrent plus savans,
plus z�l�s pr�dicateurs
et promoteurs de la Foi Chr�tienne que Pierre Ly. Il
en baptisa beaucoup, et
beaucoup d'autres furent baptis�s par de nouveaux
Chr�tiens qu'il avoit
�tablis cat�chistes ; dans l'espace de cinq ans le
nombre des Chr�tiens s'accrut jusqu'� environ quatre
mille. La propagation de la nouvelle Religion
ne put �tre longtems
cach�e aux ministres du Roi de
Cor�e ; plusieurs tant de la noblesse que du peuple la
pr�choient
avec la m�me sinc�rit� qu'ils l'avoient embrass�e, et
Dieu donnoit
de l'efficacit� � leurs paroles. Le gouverneur de la
ville royale fit arr�ter
en 1788 Thomas King zel�
Chr�tien sous pr�texte qu'il
enseignoit une Religion et
une doctrine �trang�re �
laquelle il attiroit ses
concitoyens. A cette
nouvelle plusieurs n�ophytes se pr�sent�rent devant le
gouverneur, d�clar�rent
qu'ils �toient Chr�tiens
et pr�dicateurs du
Christianisme, et annon�oient
en m�me tems J�sus-Christ
avec z�le et avec force. Etonn� de la
multitude des Chr�tiens, ne connoissant
pas
d'ailleurs les intentions du Roi touchant les
partisans de la nouvelle Religion,
le gouverneur n'osa rien faire contre la multitude ;
il ordonna aux Chr�tiens
de retourner dans leurs maisons et condamna � l'exil
le seul Thomas King, comme
perturbateur du repos public et enseignant des
doctrines �trang�res. Ce
pr�dicateur de J�sus Christ mourut glorieusement dans
son exil la m�me ann�e.
Les autres Chr�tiens n'en devinrent que plus hardis,
ils annonc�rent le
Christianisme avec beaucoup de succ�s dans la ville
royale et dans les
provinces. Ils conduisoient
� Pierre Ly et aux autres
cat�chistes ceux qu'ils jugeoient
dignes de la gr�ce
du Bapt�me. Cependant connoissant
par la lecture des
livres qu'il y avoit dans
la Religion Chr�tienne
plusieurs choses qu'ils ne pouvoient
comprendre et
d'autres qu'il leur paroissoit
impossible de
pratiquer, ils r�solurent d'un commun accord d'envoyer
un homme charg� de
lettres, pour demander � l'Eglise de Pekin les
instructions et les autres moyens d'entretenir et
d'augmenter la foi parmi eux.
L'an 1790 Paul Yn
vint � Pekin � la suite
des Ambassadeurs Cor�ens ; et
apporta les lettres des n�ophytes. Ils y exposoient
l'�tat de la propagation de l'Evangile parmi eux, prioient
qu'on leur envoy�t les choses saintes, des livres de Religion,
et
demandoient
des instructions sur plusieurs objets. L'arriv�e de Paul Yn,
� laquelle on ne s'attendoit
pas, fut le plus
agr�able des spectacles pour l'Eglise de Pekin. Elle
fut remplie de la joie la plus vive en apprenant la
propagation admirable de la
Religion Chr�tienne dans un Royaume o� jamais aucun
missionnaire n'�toit
entr�, o� jamais le nom de J�sus-Christ n'avoit �t� pr�ch�. Quant � moi,
apr�s avoir lu les lettres
de cette Eglise naissante et entendu le r�cit du
n�ophyte, j'y r�pondis par une
lettre pastorale dans laquelle j'exhortois
ces
nouveaux Chr�tiens � rendre d'�ternelles actions de
gr�ces � Dieu tout-puissant
et infiniment bon de l'ineffable bienfait de leur
vocation � la foi, �
pers�v�rer dans cette m�me foi et � employer tous les
moyens n�cessaires pour
conserver la gr�ce de l'Evangile qu'ils avoient re�ue.
Comme je voyois par les
questions propos�es dans leur lettre qu'il y
avoit parmi eux de
l'ignorance m�me sur des points
essentiels, je leur enseignai en abr�g� ce qu'ils devoient
croire et pratiquer pour �tre vraiment Chr�tiens et
m�riter d'�tre regard�s
comme tels. Paul Yn,
apr�s avoir re�u les sacremens
de Confirmation et d'Eucharistie, partit plein de
joie, au mois de F�vrier, pour sa patrie. La lettre
que je lui remis �toit
�crite sur de la soie afin qu'il put
la cacher avec plus de facilit� et de s�ret�. ( a ) De retour en Cor�e Paul Yn parla des �glises qu'il avoit
vues � Pekin, des
missionnaires Europ�ens venus des
extr�mit�s les plus �loign�es de la terre pour
propager l'Evangile, des entretiens
qu'il avoit eus avec eux,
des sacremens
qu'il avoit re�us &c.
&c. &c. Enflamm�s �
ce r�cit d'un nouvel amour pour la Religion, instruits
sur diff�rens
objets qui la concernoient,
les n�ophytes d�pos�rent
toute crainte et m�pris�rent tout danger. Ils
r�solurent unanimement d'en voyer
� Pekin un courrier
charg� de lettres pour me
demander des missionnaires qui les instruiroient et
les fortifieroient par la
pr�dication et
l'administration des sacremens.
Ils envoy�rent, d�s
la m�me ann�e 1790, Paul In dont je viens de parler et
un cat�chum�ne nomm� U.
Ces deux d�put�s vinrent � la suite des Ambassadeurs
extraordinaires que le Roi
de Cor�e envoya � l'Empereur de Chine au mois de
Septembre. (
b ) ( a ) Les Chinois
�crivent avec un pinceau sur la soie
presqu'aussi facilement que sur le papier. La soie
�crite peut se cacher plus
ais�ment dans les habits. Note de l'Editeur. ( b ) Il est d'usage de
c�l�brer solennellement chaque
dixi�me ann�e l'anniversaire de la naissance.
L'Empereur de la Chine c�l�broit
cette m�me ann�e 1790 au mois de Septembre la
quatre - vingti�me ann�e de son �ge. Les Ambassadeurs
de presque tous les
princes voisins de l'empire et entre autres celui de
Cor�e se rendirent � cette
f�te. Le cat�chum�ne U �toit officier
du Roi qui l'avoit charg�
de faire quelques emplettes.
Arriv�s � Pekin
ils me remirent ces lettres de leur Eglise. Les
Chr�tiens m'y prioient
instamment de leur envoyer des missionnaires pour
prendre soin de leurs �mes : ils me faisoient aussi
plusieurs questions sur les contrats, les
superstitions de leur pays &c.
Apr�s avoir pris sur des mati�res aussi importantes et
d'une aussi grande
cons�quence l'avis de missionnaires savans et zel�s, je r�pondis aux
questions qui m'avoient �t� faites,
et je promis d'envoyer un pr�tre en convenant du tems,
de la mani�re et des moyens propres � faire r�ussir
son voyage. Le cat�chum�ne U fut baptis� et re�ut
le nom de Jean - Baptiste ; je lui remis un calice, un
missel, une pierre
sacr�e, des ornemens et
les autres choses n�cessaires
pour c�l�brer le saint sacrifice de la Messe. Je lui
appris aussi � faire du
vin avec des raisins, afin que tout fut pr�t �
l'arriv�e du missionnaire. Ces
deux courriers partirent de Pekin
au mois d'Octobre ;
ils arriv�rent heureusement dans leur patrie, et
remirent mes lettres et les
effets que je leur avois confi�s.
Cette Eglise
naissante en ressentit beaucoup de joie et de
consolation. Jean A remediis
Pr�tre s�culier de Macao, que j'avois nomm�
missionnaire pour la Cor�e, partit
de Pekin, au mois de
F�vrier 1791. Apr�s 20 jours de
marche, il arriva aux fronti�res de ce Royaume,
pr�cis�ment au
tems dont on �toit
convenu. Ce z�l� missionnaire
demeura contre son attente dix jours � l'endroit
d�termin�, sans pouvoir
d�couvrir aucun Chr�tien de Cor�e. On avoit d�cid�
qu'on prendroit le tems de
la foire qui se tient sur les confins de la Chine et
de la Cor�e, et � laquelle
se rendent en grand nombre les marchands des deux
nations. Des Chr�tiens de
Cor�e, que le missionnaire et ses conducteurs Chinois
auroient
reconnus � certains signes, devoient
s'y trouver pour
le recevoir et le conduire dans leur pays. Le tems de
l'ambassade et celui de la foire se pass�rent sans que
personne parut. Le
missionnaire et les Chinois qui l'accompagnoient
en
ressentirent une douleur vive et revinrent � Pekin. L'ann�e suivante 1792, nous ne re�umes ni lettres, ni
nouvelles de Cor�e, parce qu'il ne
vint aucun Chr�tien � la suite de l'ambassade
ordinaire. Cependant certains
bruits que r�pandirent des payens
de ce Royaume nous
firent comprendre qu'il y avoit
eu une pers�cution
contre les fid�les, et qu'on en avoit
mis quelques-uns
� mort pour cause de Religion. Nous ne p�mes v�rifier
cette nouvelle qu'� la
fin de l'ann�e 1793. Ce fut alors qu'arriv�rent �
P�kin, � la suite des
Ambassadeurs, Sabbas Chi
Chr�tien et Jean Po
cat�chum�ne, avec des lettres de l'Eglise de Cor�e.
Les Chr�tiens y rendoient
compte de la cruelle pers�cution excit�e en 1791
et 1792, laquelle les avoit
mis dans l'impossibilit�
d'aller recevoir le missionnaire. Voici quelle fut la cause de la
pers�cution. Deux fr�res Paul In et Jacques Kuan
avoient refus� de faire
les fun�railles de leur m�re
chr�tienne selon les c�r�monies du Paganisme. Ils �toient
d'une famille noble, d'une pi�t� exemplaire, et d'un
z�le ardent, � l'exemple
de leur m�re qui leur avoit
recommand� � l'article de
la mort de ne point souffrir qu'on fit � ses obs�ques
des c�r�monies
superstitieuses et payennes.
Selon l'usage �tabli par
les loix de la Cor�e, les
enfans
sont oblig�s, � la mort de leurs parens,
de faire
�riger par l'autorit� publique des tablettes sur
lesquelles on �crit les noms
des d�funts, que l'on place et que l'on conserve tr�s
religieusement dans une
maison d�cente appell�e
par cette raison temple des
anc�tres. Tous ceux qui descendent d'une m�me famille
sont oblig�s de ' s'y
rendre � certains tems de l'ann�e, pour y br�ler des
parfums, offrir des mets
pr�par�s et pour faire plusieurs autres c�r�monies
superstitieuses. C'est en cela que les Cor�ens font
principalement consister la
pi�t� filiale envers leurs anc�tres d�funts. Entre autres doutes et questions que
l'Eglise naissante de Cor�e m'avoit
propos�s en 1790,
on m'avoit demand� s'il �toit
permis d'�riger les tablettes des anc�tres ou de
conserver celles qui l'�toient
d�j�. Je r�pondis, conformement
aux d�cisions tr�s formelles du St. Si�ge dans la
Bulle de Beno�t XIV. ex quo,
et dans celle de Clement
XI. ex
ill� die, que cela n'�toit
point permis. Cette r�ponse fut une pierre de scandale
pour plusieurs nobles
Cor�ens. Instruits par ma Lettre Pastorale que les
tablettes des anc�tres et
autres c�r�monies �toient
condamn�es comme superstitieuses
par le St. Si�ge, ils
aim�rent mieux renoncer � une
Religion dont ils avoient reconnu la v�rit�, qu'aux
mauvais usages de leur pays.
Paul In et Jacques Kuan
ne furent point de ce nombre
; d�s qu'ils eurent appris qu'il n'�toit pas permis
d'�riger ni de conserver les tablettes des anc�tres,
ils br�l�rent celles
qu'ils avoient chez eux. A la mort de leur m�re, leurs
parens
et alli�s, presque tous payens,
vinrent selon la coutume
du pays pour assister � ses fun�railles. Ne trouvant
point les tablettes de
leurs anc�tres � l'endroit o� elles �toient
ordinairement plac�es,
ils entr�rent en fureur, se
r�pandirent en injures contre la
Religion Chr�tienne et contre les deux n�ophytes, et
exig�rent avec menace
qu'ils produisissent et remissent en place les
tablettes qu'ils croyoient
seulement cach�es. Les deux fr�res ne se
laiss�rent point effrayer : �Nous sommes Chr�tiens,
r�pondirent-ils avec
franchise, notre m�re l'�toit,
il ne nous est point
permis d'allier le culte du vrai Dieu avec le culte
faussement religieux des
morts. Notre m�re nous a d�fendu de souffrir qu'on fit
� ses fun�railles aucune
c�r�monie superstitieuse et contraire � la loi de Dieu
; les tablettes ne sont
point cach�es, nous les avons, de son avis, jet�es au
feu. Convaincus de la
v�rit� de la Religion Chr�tienne, de l'inutilit� et de
l'absurdit� d'un culte
rendu � des planches et � des cadavres, nous sommes
pr�ts � souffrir toute
sorte de tourmens, la
mort m�me plut�t que de violer
la loi de Dieu en �rigeant ou en conservant des
tablettes qu'il d�teste.� Ces
paroles et autres semblables que Paul Yn, regard�
parmi les siens comme un c�l�bre docteur, pronon�a
avec force, mirent ses parens
payens en fureur. Ils
all�rent, d'un commun accord, d�noncer au gouverneur
de la ville Paul Yn et
Jacques Kuan comme
coupables d'impi�t� filiale et de professer une
religion �trang�re. Les deux fr�res appell�s
en jugement et interrog�s par le gouverneur,
confess�rent J�sus-Christ avec une
noble sinc�rit�. Paul Yn
d�montra la v�rit� de sa religion
: il ne nia point qu'il e�t br�l� les tablettes ; il
prouva l'inutilit� et
l'injustice du culte superstitieux rendu aux d�funts
&c. Le gouverneur
ennemi de la Religion Chr�tienne et de la famille de
Paul Yn,
saisit cette occasion de l'opprimer. Il �crivit aux
ministres du Roi pour leur
faire part de l'accusation intent�e contre les deux
fr�res ; il exag�ra le
danger dont il pr�tendoit
que cette Religion
Europ�enne mena�oit le
Roi et le Royaume : il lui reprochoit
de d�tourner les hommes du culte envers les
esprits protecteurs du pays, de la v�n�ration envers
les anc�tres, de
l'ob�issance aux loix de
l'Etat. Les ministres inform�rent le Roi du
crime des deux fr�res et des dangers qui mena�oient
le Royaume, si l'on n'en d�r�cinoit
enti�rement la Religion.
Ce Prince, d'ailleurs ami de la paix, fut saisi de
crainte, et �tablit un des
grands du Royaume inquisiteur contre les partisans de
la Religion Chr�tienne.
Il lui ordonna d'apporter toute la diligence et tout le soin
possibles pour emp�cher les progr�s de cette
Religion, et pour obliges
les enfans � rendre le
culte ordinaire � leurs anc�tres.
Pour s'acquitter des fonctions de sa
charge, ce grand inquisiteur excita une pers�cution
g�n�rale contre la Religion
Chr�tienne. Il ordonna aux gouverneurs subalternes qui
commandoient
dans les villes, de mettre en prison tous les
Chr�tiens qu'ils d�couvriroient,
et de ne les en laisser sortir qu'apr�s
qu'ils auroient renonc� �
leur foi de vive voix et
par �crit. Il fit amener les deux fr�res charg�s de
cha�nes pour leur faire
subir leur jugement. Aux diff�rentes questions qu'on
leur fit ils r�pondirent :
�Nous professons la Religion Chr�tienne, parce que
nous en avons reconnu la
v�rit� : nous avons jet� au feu les tablettes des
anc�tres, parce que nous les
regardons comme des choses inutiles et ex�crables
devant Dieu ; nous voulons
vivre et mourir Chr�tiens selon qu'il plaira � Dieu.
Au reste nous sommes pr�ts
� ob�ir au Roi et aux loix
de l'Etat en tout ce qui
n'est pas contraire � la loi de Dieu.� Cette r�ponse
courte mais pleine de
force d�plut � l'inquisiteur. Il donna ordre qu'on
appliqu�t les deux fr�res �
la torture jusqu'� ce qu'ils eussent renonc� � J�sus
Christ. Ces deux athl�tes
du Christianisme ne devinrent, au milieu des cruels tourmens,
que plus fermes dans la foi. Apr�s les tourmens on
employa les caresses avec aussi peu de succ�s ; alors
l'inquisiteur irrit� pronon�a
la sentence de mort et les condamna comme partisans
d'une religion �trang�re,
contempteurs de celle de leur pays, et comme coupables
d'impi�t� envers leurs
anc�tres. La sentence fut, selon l'usage du Royaume,
pr�sent�e au Roi pour
qu'il la confirm�t. Ce Prince en fut attrist�, il avoit
reconnu le g�nie et les belles qualit�s de Paul Yn,
et il aimoit sa famille :
il envoya quelques
personnes � la prison pour exhorter les deux fr�res �
renoncer au Christianisme,
et � �riger la tablette en l'honneur de leur m�re et
de leurs anc�tres, avec
l'autorisation, s'ils y consentoient,
de leur
remettre la peine de mort. Ce fut inutilement, les
deux athl�tes de J�sus-Christ
t�moign�rent la reconnoissance
la plus vive pour la
bont� et la cl�mence du Roi � leur �gard, mais ils
r�pondirent qu'ils ne pouvoient
renoncer � une Religion qu'ils avoient reconnue
pour �tre la seule v�ritable, ni consentir � �riger
des tablettes qu'ils savoient
�tre une impi�t� contre Dieu. Irrit� de cette
r�ponse le Roi ordonna l'ex�cution de la sentence. Ces
g�n�reux athl�tes furent
aussit�t transport�s de la prison au lieu du supplice,
suivis d'une foule immense
de payens et de
Chr�tiens. Jacques Kuan
demi mort des tourmens
cruels qu'on lui avoit
fait souffrir, pouvoit �
peine prononcer quelquefois les saints noms de
J�sus et de Marie ; mais Paul Yn
s'avan�oit avec un air
d'all�gresse vers le lieu du supplice
comme vers un festin c�leste : il annon�oit J�sus-Christ
avec tant de dignit� que les Chr�tiens et les payens �toient
ravis d'admiration. Arriv�s au lieu du supplice,
l'officier qui pr�sidoit
� l'ex�cution leur demanda
s'ils vouloient ob�ir au
Roi, rendre le culte
ordinaire aux tablettes de leurs anc�tres et renoncer
� la religion �trang�re.
Sur leur r�ponse n�gative, l'officier commanda � Paul
Yn
de lire la sentence de mort confirm�e par le Roi et
�crite sur une planche
suivant l'usage du Royaume. Paul Yn
la prend, la lit
� haute voix ravi de joie, et aussit�t apr�s l'avoir
lue, il pose la t�te sur
un gros billot de bois, prononce plusieurs fois les
saints noms de J�sus et de
Marie, et d'un grand sang-froid il fait signe au
bourreau de faire son devoir.
Le bourreau lui tranche la t�te, et ensuite � Jacques
Kuang
qui, quoiqu'� demi-mort, pronon�oit
encore les saints
noms de J�sus et de Marie. Ceci arriva le 7 D�cembre
1791 � trois heures de l�apr�s-midi.
Paul Yn �toit ag�
de 33 ans et Jacques Kuan
de
41. Le Roi se repentit d'avoir confirm� la
sentence de mort et d�p�cha l'ordre de les envoyer en
exil, dans l'esp�rance
qu'ils changeroient
d'avis ; mais lorsque le message
arriva, la sentence �toit
ex�cut�e. Les corps des
deux martyrs rest�rent neuf jours sans s�pulture. Pour
intimider les Chr�tiens
on mit des gardes sur la place. Le neuvi�me jour les parens
qui avoient obtenu de Roi la permission de les
ensevelir, et leurs amis qui �toient
venus � leurs fun�railles, furent tr�s �tonn�s de
voir les deux corps sans aucune marque de corruption,
vermeils et flexibles
comme s'ils eussent �t� d�capit�s le m�me jour. Leur
�tonnement redoubła,
lorsqu'ils virent le billot sur lequel ils
avoient eu la t�te tranch�e et la planche ou la
sentence de mort �toit
�crite, arros�s d'un sang liquide et aussi frais que
s'ils eussent �t� mis � mort un moment auparavant. Ces
circonstances parurent
d'autant plus surprenantes qu'au mois de D�cembre les
froids �toient si grands
que tous les liquides et fluides se geloient, disent les Cor�ens,
m�me dans les vases. Les payens
pleins d'admiration se r�cri�rent contre l'injustice
des juges, et proclam�rent l'innocence des deux fr�res
: quelques-uns touch�s
du prodige qu'ils avoient examin�
avec soin se
convertirent � la foi. Les Chr�tiens, dans leur
admiration qui ne fut pas moins
grande, louoient et invoquoient
Dieu, en levant vers le Ciel des yeux baign�s de
larmes que la joie leur faisoit
r�pandre. Ils tremp�rent plusieurs mouchoirs dans
le sang des martyrs, et m'en envoy�rent quelques
morceaux avec l'histoire
circonstanci�e de ce martyre dont je n'�cris qu'un
abr�g� pour n'�tre pas trop
long. Les n�ophytes disent dans leur
narration qu'un homme abandonn� des m�decins et pr�s
de mourir fut gu�ri en un
instant apr�s avoir bu de l'eau dans laquelle on avoit
tremp� la planche arros�e du sang des martyrs : ils
rapportent aussi que plusieurs
moribonds � qui l'on fit toucher un mouchoir teint de
ce m�me sang, furent
gu�ris sur le champ. Ces �v�nemens
fortifi�rent la
foi chancelante de plusieurs n�ophytes, et firent
embrasser le Christianisme �
un bon nombre de payens ;
en sorte que l'on peut dire
que le sang de martyrs fut une semence de Chr�tiens. Quant aux autres Chr�tiens, le grand
inquisiteur avoit
recommand� aux gouverneurs subalternes
dans les villes, d'employer contre eux les
exhortations et les menaces plut�t
que les tourmens et la
peine de mort. � Il est
certain, disoit-il, que
les Chr�tiens aiment � mourir
pour leur Religion dans laquelle on leur rend ensuite
gloire et honneur comme �
des Saints. On lit dans leurs livres que plus on en
fait mourir, plus il
у de personnes qui embrassent leur
Religion. � L'inquisiteur
lui-m�me, d'apr�s ce principe, employa dans la
capitale les exhortations, les
caresses, les promesses de richesses et d'honneurs, et
il r�ussit � en faire
apostasier plusieurs surtout des nobles. Il eut
pourtant quelquefois recours �
des tourmens cruels. Dans
les provinces les gouverneurs
des villes pers�cut�rent les Chr�tiens avec s�v�rit�
ou mod�ration selon leurs
dispositions pour la Religion. Cependant les n�ophytes
furent, g�n�ralement
parlant, trait�s avec plus de rigueur dans les
provinces que dans la capitale.
Si nous avons � g�mir sur l'apostasie de plusieurs
surtout d'entre les nobles,
qui renonc�rent � J�sus-Christ de vive voix et par
�crit, nous avons � nous
r�jouir de la pers�v�rance d'un bien plus grand nombre
qui sacrifi�rent � leur
foi les honneurs, les biens et la paix de ce monde. Il
est certain qu'un grand
nombre r�sist�rent aux tourmens
jusqu'au dernier
soupir, que beaucoup d'autres s'enfuirent dans les
d�serts et sur les montagnes
pour ne point exposer leur foi, que des vierges et des
veuves pieuses
renonc�rent � des mariages avantageux, afin de pouvoir
servir J�sus-Christ avec
plus de s�ret� et de facilit� : que quelques-uns
exil�s pour l'Evangile,
pr�ch�rent dans le lieu de leur exil la foi en
J�sus-Christ avec la m�me
ferveur qu'auparavant. Instruit que le peuple murmuroit
de ce qu'on emprisonnoit
et tourmentoit
tant de personnes � cause de la Religion Chr�tienne,
le Roi ordonna au grand inquisiteur,
la seconde ann�e de la pers�cution, de mettre en
libert� les Chr�tiens
prisonniers, en les exhortant � quitter la Religion
d'Europe, et � observer les
coutumes et la Religion de leur pays. Il enjoignit
toutefois en m�me tems de
veiller avec soin � ce que les Chr�tiens n'allassent
point en Chine d'o� leur �toit
venu leur Religion.
&c. Ce d�cret du Roi mit fin � la premi�re
pers�cution g�n�rale contre les
fid�les de Cor�e ; les Chr�tiens furent renvoy�s chez
eux et les gouverneurs
des villes cess�rent de les molester. La pers�cution finie, les plus fervens Chr�tiens envoy�rent �
Pekin
Sabbas Chi et Jean Po,
dont j'ai parl� ci-dessus,
avec des lettres pour en rendre compte et demander des
missionnaires.
Je conf�rai avec ces deux n�ophytes des moyens de
faire parvenir un pr�tre en
Cor�e. Le pr�tre Jean A remediis
que j'avois d'abord
destin� � cette mission �tant mort, je choisis Jacques
Vellozo,
pr�tre Chinois, le premier �l�ve du Seminaire
�piscopal de Pekin, �g�
de 24 ans, qui joint � la
pi�t� et � une connoissance
suffisante dans les
mati�res eccl�siastiques une connoissance
profonde
des lettres et des sciences Chinoises, et qui
d'ailleurs a la phisionomie
assez semblable � celle des Cor�ens. Ce
missionnaire partit de Pekin,
au mois de F�vrier 1794,
muni de tous les pouvoirs ordinaires et
extraordinaires pour exercer le
minist�re Apostolique. Apr�s 20 jours de marche il arriva aux
confins des deux Royaumes et y trouva des Chr�tiens de
Cor�e avec lesquels il d�lib�ra
sur le tems,
la mani�re et la route � prendre pour entrer dans leur
patrie. Comme les
gouverneurs Cor�ens redobloient
alors de vigilance
sur les fronti�res, � cause de quelques pers�cutions
locales, ils convinrent
que l'entr�e seroit
diff�r�e jusqu'au mois de
D�cembre. En attendant il visita et parcourut les
missions que nous avons en
Tartarie dans le voisinage de la Cor�e, comme je lui
en avois donn� la
commission dans le cas o� son entr�e dans ce Royaume
se trouveroit
diff�r�e. Au mois de D�cembre de la m�me ann�e
le missionnaire revint sur les fronti�res, o� il
trouva Sabbas
Chi et d'autres Chr�tiens dispos�s � l'introduire dans
leur pays. Il quitta son
costume Chinois, prit celui de Cor�e et entra dans ce
Royaume, vers le milieu
de la nuit le 23 D�cenibre
; il arriva heureusement
apr�s douze jours de marche dans la ville capitale appell�e
Kim-Ki-t�o. Son arriv�e causa une joie et une
consolation inexprimables � cette Eglise naissante ;
elle le re�ut et l'honora
comme un Ange descendu du ciel. Il pr�para sans d�lai
tout ce qui �toit
n�cessaire � la c�l�bration du St. Sacrifice, et se
livra tout entier � l'�tude de la langue Cor�enne,
afin de commencer le plut�t
possible � exercer le St. minist�re. Le samedi-saint
1795 il administra le
Bapt�me � quelques adultes, suppl�a les c�r�monies de
ce Sacrement � quelques
autres, et re�ut quelques confessions par �crit ; le
saint jour de p�ques il
c�l�bra la sainte messe, et donna la communion aux
personnes qui s'y �toient
pr�par�es. Jamais jusques l� le sacrifice de la loi
Evang�lique n'avoit �t�
offert dans ce Royaume. Le
missionnaire ne fut point troubl� jusqu'au mois de
Juin ; il profita de cette
tranquillit� pour administrer le Bapt�me � quelques
personnes et � en suppl�er
les c�r�monies � un grand nombre qui avoient �t�
baptis�s par des Chr�tiens. Une femme qui venoit
de recevoir les sacremens
avertit, � son retour chez
elle, son fr�re qui �toit
cath�cum�ne
de l'arriv�e et de la pr�dication du missionnaire
&c. Cet homme, qui dans
la pers�cution pr�c�dente avoit
renonc� � J�sus-Christ,
feignit un d�sir ardent de faire p�nitence et de
recevoir le Bapt�me, et courut
� la maison du pr�tre ; il lui fit et � son conducteur
beaucoup de questions
sur la Religion et sur son arriv�e dans le pays. Apr�s
une longue conversation
il sort de la maison, va droit au palais du Roi, et
informe les ministres
d'�tat de l'arriv�e d'un �tranger, de sa demeure, de
ceux qui l'ont amen� &c.
Ceci arriva le 27 Juin 1795. A cette d�nonciation �toit
pr�sent un gouverneur militaire, Chr�tien Apostat, qui
d�testoit
sinc�rement son crime et d�siroit
ardemment un pr�tre
pour se confesser ; mais les autres Chr�tiens ne lui
avoient point fait part de
l'arriv�e du missionnaire dans la crainte qu'il ne le
trah�t. Instruit par la
d�nonciation de l'autre apostat, qui �toit aussi un officier
militaire, de la demeure du pr�tre, il y courut,
l'avertit de l'accusation
intent�e contre lui, du danger qui le mena�oit et la
Religion, lui conseilla de sortir au plut�t, et
s'offrit de le conduire
ailleurs. Le missionnaire se rendant � cet avis, il le
conduisit au m�me
instant dans la maison d'une veuve Chr�tienne riche et
noble, qui le re�ut et
le garda chez elle jusques � ce que l'orage fut pass�.
Le missionnaire y �toit
en suret� : selon l'usage du Royaume il n'�toit permis � personne
d'entrer dans cette maison, parce
qu'il n'y avoit point
d'hommes. Le m�me jour, les
ministres du Roi, apr�s avoir tenu conseil, envoy�rent
deux bandes de soldats l�une
� la maison de Matthias Xu, o� le missionnaire avoit
demeur�, l'autre � la poursuite des conducteurs de
l'�tranger, avec ordre de
les amener tous au tribunat criminel souverain. Les
Soldats ob�issant � ces
ordres entr�rent avec imp�tuosit� dans la maison de
Matthias Xu, le saisirent
et l'amen�rent devant le tribunal. On arr�ta � peu
pr�s dans le m�me tems
les deux principaux introducteurs du missionnaire, Sabbas Chi et Paul In, et cinq
autres Chr�tiens qu'on croyoit
aussi avoir servi de conducteurs. Ces cinq derniers
soutinrent qu'ils ne savoient
rien de l'entr�e d'un
�tranger dans le Royaume. On employa pendant 15 jours
les coups et les tourmens
pour les forcer � renoncer � J�sus-Christ, ils
souffrirent sans �tre �branl�s ; on les renvoya apr�s
ce tems,
et ils s'en all�rent louant et b�nissant le
Dieu qu'ils avoient g�n�reusement confess�. Quant aux trois autres Chr�tiens
Matthias Xu, l'h�te du missionnaire, Sabbas Chi et
Paul In, ses introducteurs, ils furent pr�sent�s
devant le tribunal, la nuit
m�me de leur arrestation. Par leur silence, leur
patience et leur constance,
ils fatigu�rent et d�concert�rent la m�chancet�, la
cruaut� et les ruses des
Juges. Interrog�s s'ils professoient
la Religion
Chr�tienne et s'ils adoroient
un homme crucifi�, ils
r�pondirent avec courage qu'ils professoient
la
Religion Chr�tienne et qu'ils adoroient
l'Homme Dieu
crucifi� pour le salut des hommes. A l'ordre de
maudire et de blasph�mer J�sus-Christ,
ils r�pondirent qu'ils ne le pouvoient
pas et
assur�rent qu'ils �toient
pr�ts � mourir mille fois,
plut�t que de prof�rer des injures et des blasph�mes
contre J�sus-Christ vrai Dieu et vrai Redempteur. Le
pr�sident du tribunal ordonna de les frapper, de leur
donner des soufflets et
de leur �craser les genoux. Ce fut sans succ�s, ces
trois hommes pers�v�r�rent
unanimement dans la confession de la foi, sans h�siter
ni montrer aucune foiblesse.
Ensuite on les interrogea sur l'�tranger qu'ils
avoient amen� de Chine,
sur les complices de leur
pr�tendu crime, sur le chemin qu'ils avoient pris pour
se rendre � la capitale,
sur les maisons o� ils avoient re�u l'hospitalit� dans
leur route, sur les noms,
la qualit� et la patrie de l'�tranger qu'ils avoient
amen� ; on leur fit encore
beaucoup de questions minutieuses sur leur voyage. La
profession de foi fut
leur unique r�ponse, et, comme s'ils eussent �t�
sourds et muets, ils gard�rent
un profond silence sur toutes les questions dont nous
venons de parler. Les
juges, le pr�sident m�me employ�rent les caresses et
les menaces pour les
engager � r�pondre � leurs interrogations : ce fut en
vain. Apr�s avoir pass�
une bonne partie de la nuit, sans pouvoir rien
obtenir, le pr�sident ordonna
qu'on leur fit souffrir
des tourmens
encore plus cruels pour les forcer � r�pondre. On
employa contre eux toutes les
esp�ces de tortures en usage dans la Cor�e, les
soufflets, les coups, la
question des mains, des pieds et des genoux qu'on leur
�crasoit.
Au milieu de tant d'horribles supplices, ces courageux
athl�tes de J�sus-Christ
ne pronon�oient autre
chose que les saints noms de
J�sus et de Marie. S'imaginant enfin que ces trois
hommes se moquoient
d'eux, et d�sesp�rant de leur arracher un seul
mot sur l'arriv�e de l'�tranger, les juges entr�rent
en fureur et ordonn�rent
qu'on leur fit souffrir
toutes les esp�ces de tourmens
jusqu'� ce qu'ils mourussent. L'ordre fut ex�cut�,
et les trois confesseurs de J�sus-Christ rendirent
l�esprit, � peu pr�s dans le
m�me instant ; ils invoqu�rent J�sus jusqu'au dernier
moment, et ils avoient un
visage s�rein, indice de
la douceur spirituelle dont
ils jouissoient au milieu
des tourmens
qu'ils enduroient pour
l'amour de J�sus. Christ et
pour la conservation de la Religion Chr�tienne. Ce
martyre arriva le 28 Juin
1795. Sabbas Chi �toit �g�
de 29 ans, Paul Yn de 36
et Matthias Xu de 31. Ces trois Martyrs s'�toient
distingu�s par de belles actions depuis leur
bapt�me ; l'Eglise de Cor�e en fait de grands �loges.
Il est certain qu'ils ont
�t� de z�l�s propagateurs de l'Evangile, et qu'ils ont
travaill� avec ardeur �
procurer la gloire de Dieu. On en voit une preuve
indubitable dans le courage
avec lequel ils ont m�pris� et brav� les grands
dangers qu'ils avoient � courir
en introduisant le missionnaire dans un Royaume, dont
l'entr�e est strictement
d�fendue � tout �tranger. Sans autre vue que la gloire
de Dieu et le salut de
leurs compatriotes, ils conduisirent sain et sauf
jusqu'� la ville capitale de
la Cor�e le premier missionnaire de la Religion
Chr�tienne, malgr� les p�rils,
les craintes, les embarras ins�parables de cette
action. Il paro�t
qu'on peut avec raison regarder la grace du martyre
qu'ils ont souffert d'une mani�re si glorieuse comme
une r�compense de la peine
qu'ils avoient prise et des dangers qu'ils avoient
courus pour la gloire de
J�sus Christ. Cette grace
du martyre est aussi une
preuve non �quivoque qu'ils jouissent du bonheur
c�leste auquel sont appell�s
ceux qui meurent pour J�sus-Christ. Au reste l'Eglise de Pekin
et moi avons �t� t�moins de la pi�t� et de la
d�votion de Paul Yn dans
les deux voyages qu'il fit �
Pekin en 1790. Il y re�ut
les sacremens
de Confirmation, de P�nitence et d'Eucharistie avec
une ferveur si frappante
que plusieurs Chr�tiens ne purent retenir leurs larmes
de joie et d'admiration
de trouver dans ce n�ophyte l'ext�rieur, les discours,
les vertus exemplaires
d'un ancien disciple de J�sus-Christ, consomm� dans la
pratique des maximes
Evang�liques. En 1793 nous f�mes aussi t�moins de la
pi�t� de Sabbas Chi,
pendant les 40 jours qu'il passa
� P�kin. Les fid�les de cette ville furent �difi�s de
la d�votion sensible, de
la grande ferveur et de l'effusion de larmes avec
lesquelles il re�ut sacremens
de Confirmation, de P�nitence et d�Eucharistie.
Pour ce qui est de Matthias Xu, nous n�avons point �t�
t�moins occulaires, parce
qu�l n�est point
venu � Pekin, mais j'ai
appris par le missionnaire de
Cor�e que ce Chr�tien a �t� un des premiers
cat�chistes choisis par Pierre Ly
pour la propagation de la foi, et qu'il s'est
distingu� par sa ferveur, sa
pi�t� et son z�le � �tendre la gloire de Dieu. Apr�s la mort des trois martyrs on
sollicita le Roi � plusieurs reprises, d'ordonner par
un d�cret public des
recherches contre la Religion Chr�tienne. Ce prince
naturellement pacifique,
n'�tant pas trop ennemi de la Religion Chr�tienne,
craignant d'ailleurs une
s�dition populaire, ne voulut point exciter, par un
�dit public, une
pers�cution g�n�rale contre le Christianisme : mais il
�ta leurs charges �
quelques officiers militaires et civils, il en d�grada
quelques autres
seulement en partie, parce qu'ils �toient Chr�tiens.
Pierre Ly fut envoy� en exil, apr�s avoir �t�
d�pouill� de sa charge. Ensuite
le Roi enjoignit tr�s fortement � tous les gouverneurs
du Royaume de veiller
avec la plus grande exactitude � ne point laisser
propager la Religion d'Europe,
d'exhorter le peuple � ne point abandonner celle du
pays pour en embrasser une
�trang�re. Si le peuple n'ob�it pas, ils doivent en
donner avis au tribunal
criminel supr�me, afin que ce tribunal prenne des
pr�cautions efficaces, apr�s
avoir demand� les instructions particuli�res du Roi.
Ce prince recommanda
surtout aux gouverneurs plac�s sur les fronti�res, et
aux Ambassadeurs qu'on enverroit
d�sormais � Pekin, de
veiller � ce qu'aucun Chr�tien ne sortit du Royaume et
qu'aucun Chinois n'y
entr�t. Si cette ordonnance du Roi emp�cha une
pers�cution g�n�rale contre la Religion, elle donna
occasion aux gouverneurs
des villes de vexer les Chr�tiens par des recherches
rigoureuses. La seule
diff�rence qu'on apper�oive
entre cette inquisition
et une pers�cution ouverte, c'est que la plupart des
gouverneurs ne faisoient
point mourir les Chr�tiens, et ne leur faisoient point souffrir les
plus cruels tourmens. Il
y en eut cependant qui, sous le pr�texte de la
vigilance recommand�e par le Roi, les firent
tourmenter jusqu'� la mort. Un
grand nombre de n�ophytes abandonn�rent leurs demeures
et se sauv�rent dans les
d�serts et sur les montagnes pour se soustraire � leur
tyrannie : beaucoup
d'autres p�rirent de faim et de mis�re dans les
prisons : il y en eut aussi
beaucoup qui foibles dans
la foi pr�f�r�rent les
biens p�rissables de ce monde � ceux du Ciel, et
tergivers�rent au lieu de
confesser leur foi d'une mani�re claire et ouverte.
Cependant par un effet de
la divine providence, au milieu de dangers si grands
et si multipli�s, le
missionnaire fut conserv� sain et sauf pour le salut
de plusieurs. Les
vexations s'�tant un peu rallenties,
et cette Eglise
naissante commen�ant � respirer un peu, un grand
nombre d'apostats le
recherch�rent avec empressement, pour d�tester � ses
pieds le crime d'apostasie
que la crainte ou la foiblesse
leur avoit fait com
mettre, et pour en obtenir l'absolution.
Ceux qui n'avoient point fl�chi le genou devant Baal
trouv�rent la force et la
consolation dans la r�ception des sacremens. La mort des trois martyrs dont nous
venons de parler, et les recherches que firent ensuite
les gouverneurs, furent
cause que je ne pus
recevoir des nouvelles et des
lettres du missionnaire que deux ans apr�s son entr�e
dans la Cor�e. Nous
�tions convenus qu'au printems
apr�s son arriv�e il enverroit
aux fronti�res un courier
Cor�en pour remettre ses lettres � un Chinois que j'enverrois
de mon c�t�, afin que je pusse conno�tre
au juste sa
situation et l'�tat de la mission qui lui �toit confi�e.
Contre mon attente, le courier
que j'avois envoy� au tems
convenu ne vit aucun Chr�tien de Cor�e
pendant tout
le tems de la foire. Son
retour � Pekin
sans lettres nous jeta dans une grande inqui�tude sur
l'�tat et le sort du
missionnaire et de la mission de Cor�e. Elle
s'augmenta beaucoup lorsqu'un courier
que j'envoyai au commencement de l'ann�e suivante,
me dit � son te tour qu'il n'avoit
vu aucun n�ophyte
Cor�en, et qu'ayant sond� un marchand payen de ce
pays-l�, il en avoit appris
qu'on y avoit fait mourir
des hommes � cause de la
Religion Chr�tienne. Cette nouvelle fut confirm�e par
quelques payens de Cor�e
au tems de
l'ambassade annuelle. En combinant ces diff�rens
rapports, il y avoit lieu
de craindre que le
missionnaire n'eut �t�
pris et mis � mort. Les recherches des gouverneurs sur les
fronti�res s'�tant un peu ralenties, le missionnaire
put enfin au bout de deux
ans envoyer � Pekin un
Chr�tien pour porter ses
lettres et donner des d�tails sur cette nouvelle
Eglise. Ce pieux et fervent
Chr�tien s'appelle Thomas Vam.
Quoique de famille
noble, il feignit d'�tre un homme du peuple pour venir
� Pekin,
comme domestique de l'Ambassadeur. Il avoit achet� �
prix d'argent cette fonction humiliante, d'un
v�ritable domestique des
Ambassadeurs. Son arriv�e � Pekin
le 28 Janvier de
cette ann�e 1797 nous a combl�s d'une joie d'autant
plus vive que nous ne
l'esp�rions plus. Les lettres du missionnaire, qu'il
m'a remises, �toient en
latin et dat�es du 14 Sep tembre
pr�c�dent ; celles des Chr�tiens �toient
en
caract�res Chinois, et � - peu - pr�s de m�me date.
Elles �toient
�crites sur de la soie, et le porteur les avoit
cach�es dans ses habits pour �chaper
� la vigilance
et aux recherches des officiers. J'ai connu � fond par
ces lettres l'�tat de la
Religion en Cor�e, et j'ai v�rifi� les d�tails que
j'avois re�us les ann�es
pr�c�dentes touchant l'origine et les progr�s de la
pr�dication Evang�lique,
les pers�cutions et les obstacles de la part des payens
; j'y ai vu que le missionnaire avoit
couru, en 1795,
les dangers les plus pressans
auxquels il n'avoit �chap� qu'avec bien de la
peine. Il me marque, ainsi que je lui en avois donn�
commission, les dangers
dont il est environn� dans l'exercice du minist�re
Apostolique, � cause des
recherches continuelles que font les gouverneurs ; il
m'informe que le culte
superstitieux que les Cor�ens rendent aux morts et aux
tablettes des anc�tres
est un grand obstacle aux progr�s de l'Evangile, et
que la d�fense de ce culte
que j'avois signifi�e dans ma lettre pastorale a fait
retourner en arri�re un
grand nombre de nobles Chr�tiens et cat�chum�nes. Il
me parle du Roi comme d'un
prince naturellement bon et pacifique, qui ne
pers�cute ceux qui suivent la Religion
Chr�tienne que parce qu'il y est forc� par ses
ministres et qu'il craint
quelque r�volution dans son Royaume. Enfin il entre
dans plusieurs d�tails sur
le caract�re de cette nation, ( a
) ses ( a ) Les Cor�ens ont les
m�mes m�urs et usages que les
Chinois dont ils descendent et dont ils ont fait
partie autrefois : ils adorent
les m�mes fausses divinit�s : ils suivent les m�mes
ma�tres, Confucius et les
autres docteurs Chinois. La forme de leur gouvernement
est la m�me quant � la
substance ; il n'y a de diff�rence que dans un petit
nombre d'objets que les
Chinois modernes ont introduit sous la dynastie
Tartare-Chinoise actuellement
dominante. m�urs, ses coutumes, ses loix, son
gouvernement temporel, sa Religion et autres choses
semblables dont la connoissance
peut �tre utile � ceux qui seront charg�s du
soin de l'Eglise de Cor�e, pour la bien gouverner.
Parmi les mo ns que le missionnaire
et les Chr�tiens du pays proposent pour y conserver et
augmenter la Religion
Chr�tienne, voici celui qui leur paro�t
le meilleur
et pr�f�rable � tous les autres ; ce seroit de
supplier tr�s instamment la Reine de Portugal
d'envoyer au Roi de Cor�e un
Ambassadeur, accompagn� de missionnaires instruits
dans les math�matiques et la
m�decine, pour saluer ce prince et lui proposer un
trait� d'alegiance.
Il arriveroit, disent les
Cor�ens, que le Roi de
Cor�e naturellement bon, passionn� pour les
math�matiques et la m�decine, point
ennemi du Christianisme, flatt� d'ailleurs et reconnoissant
de l'envoi d'un grand Ambassadeur Europ�en, honoreroit
la religion de cet Ambassadeur, la permettroit dans
son Royaume, traiteroit
favorablement les missionnaires
et les souffriroit aupr�s
de lui au grand profit et �
la grande s�ret� de la Religion Chr�tienne. Voil�, Monseigneur,
l'histoire abr�g�e de l�Eglise
naissante dans le Royaume de Cor�e, sur lequel Dieu
infiniment bon a jet� des
yeux de mis�ricorde dans ces derniers tems, en
�clairant des hommes assis dans les t�n�bres, et les
conduisant dans la voie de
la paix et du salut, par des moyens d'autant plus
admirables qu'ils paroissent
moins efficaces aux yeux des hommes. Quand je pense � la
conversion extraordinaire d'une
partie de cette nation, aux moyens par lesquels
environ 4000 hommes sont
parvenus � la connoissance
de la v�rit�, quand je
r�fl�chis � la vertu courageuse, � la constance
h�ro�que avec lesquelles ces
hommes ont embrass� et
conserv� leur Religion au
milieu de tant de secousses violentes et de
contrari�t�s, mon esprit se
rappelle aussit�t ces paroles de l'Exode : le doigt de
Dieu est ici ; et ces
autres de l'Ap�tre : ő profondeur des richesses de la
sagesse et de la
science de Dieu ! Quel autre en effet que l'esprit de
Dieu peut op�rer un
changement si subit dans les cours, que des hommes
depuis si longtems assis
dans les t�n�bres et les ombres de la mort
se l�vent tout-�-coup � la vue de la lumi�re et la
suivent ? Quel autre que
l'esprit de Dieu peut op�rer de si grandes merveilles
de toute-puissance avec
de si foibles instrumens,
qu'un jeune homme � peine instruit des choses
n�cessaires pour recevoir le
Bapt�me, devienne le pr�dicateur et l'Ap�tre de ses
compatriotes, et ait la
force d'attirer � la Foi une grande multitude d'hommes
? Quel autre enfin que
l'esprit de Dieu peut tellement fortifier par sa grace
les cours des foibles,
qu'ils r�sistent aux attraits
du monde et se laissent mettre � mort au milieu de tourmens
horribles, plut�t que d'abandonner le Dieu qu'ils ont
commenc� d'adorer ? C'est
donc une oeuvre vraiment
divine que la propagation de
l'Evangile et ses progr�s dans le Royaume de Cor�e.
Elle peut �tre compar�e �
la primitive Eglise, cette Eglise d�s sa naissance en
bute aux orages des
pers�cutions, arros�e du sang de cinq martyrs,
affermie par les vertus d'un
grand nombre de confesseurs ! Fasse le Dieu tout bon
et tout-puissant qu'�
l'exemple de la primitive Eglise, celle de Cor�e voye
le nombre de ses en fans augmenter de jour en jour, et
cro�tre en ver tus, et
qu'elle recueille ainsi les fruits de la b�n�diction
c�leste ! Le Souverain
Pontife, le Pasteur de l'Eglise universelle, Pie VI, a
confi� � mes soins et �
ma direction cette nouvelle Eglise fille de celle de Pekin.
( a ) ( a ) Son Eminence le
Cardinal Antonelli, dans la lettre
qu'il m'a �crite en 1792, m'a fait part de la joie et
du plaisir que le
Souverain Pontife Pie VI. a
ressentis, en apprenant
que le Christianisme venoit
de s'�tablir dans le Royaume
de Cor�e. � Notre excellent Souverain Pontife, me
marque-t-il, a lu avec la
plus grande avidit� l'histoire que
avez trac�e de ce
tr�s heureux �v�nement. Il en a r�pandu des larmes de
joie et a �prouv� un
plaisir ineffable de pouvoir offrir � Dieu ces
pr�mices de contr�es si
�loign�es. � Ce m�me Cardinal ajoute peu apr�s les
paroles suivantes. �C'est
pourquoi Sa Saintet� aime avec une tendresse toute
paternelle ces nouveaux enfans,
ces illustres Athletes de
J�sus-Christ. Elle d�sire leur accorder toute sorte de
biens spirituels.
Quoique absente de corps, elle les voit des yeux de
l'esprit, les embrasse
cordialement et leur donne de tout son c�ur la
b�n�diction Apostolique. � Je la recommande � vos saints
sacrifices, � vos ferventes pri�res et � celles de
votre Eglise, dans lesquels
j'ai la plus grande confiance. J'esp�re qu'elles me
seront d'un grand secours.
Adieu, tr�s illustre Pr�lat. Continuez de m'aimer �
votre ordinaire et de prier
pour moi, MONSEIGNEUR, Votre tr�s d�vou� ami et tr�s
affectionn� serviteur
sign� F. R. Ev�que de Pekin.
Pekin 15 Ao�t 1797 |